Je fais une pause dans le récit de mes années à l’école Montessori de Lyon, pour essayer de partager avec vous quelques unes de mes réflexions sur la gouvernance associative pour les écoles, et l’impact sur le rôle des parents. Depuis quinze ans que j’interviens dans la communauté Montessori en France, et que j’ai l’occasion de dialoguer avec de multiples éducatrices et directrices d’écoles, j’ai pu constater une évolution de la gouvernance des écoles.
Les écoles Montessori en gestion associative
Il y a quinze ans, les écoles étaient très majoritairement montées sous la forme associative : simplicité de la création, pas besoin d’apport financier particulier, et honnêtement on n’a pas besoin d’être très nombreux, un petit groupe de personnes suffit. Enfin, la forme associative correspondait bien aussi à l’aspect “alternatif” de ces écoles, qui ne souhaitaient pas incarner un côté “commercial” ou “institutionnel”. Il y avait bien quelques écoles montées en société commerciale, mais c’était ultra-minoritaire, tout comme le nombre total des écoles : à l’époque, en 2005-2006 moins d’une cinquantaine dans toute la France.
Quel rôle pour les parents dans une école Montessori associative ?
Alors évidemment le “problème” dans la gouvernance des écoles associatives (j’ai entendu souvent “le problème tout court” 😉 ce sont bien entendu les parents. Ce qui est très paradoxal quand on considère que les écoles Montessori se font fortes justement d’accueillir les familles, voire de co-éduquer les enfants avec elles, et donc de laisser leurs portes ouvertes aux parents.
Mais justement, de quoi parle-t-on ? Quel rôle donner aux parents ? Les laisser organiser les fêtes et autres activités para-scolaires ? Là-dessus, aucun problème bien entendu, tout le monde est content. Encore davantage quand les activités organisées peuvent rapporter un peu (voire beaucoup) d’argent à l’école.
Les risques de la gestion parentale
Mais quand on commence à parler de la gestion de l’école, c’est-à-dire du “coeur du réacteur” pour employer une métaphore industrielle, alors là c’est autre chose. Car effectivement le risque est très important qu’ils se retrouvent juge et partie. On ne le dit pas ainsi évidemment (on parle d’éducation, donc ce n’est pas très approprié), mais dans une école les parents sont les bénéficiaires du service rendu : dit autrement, ils sont les clients.
Et où a-t-on vu que ce sont les clients qui décident de la production du service ? Le mélange des genres n’est jamais bien loin, sans même compter le zèle de certains individus toujours bien intentionnés, qui s’imaginent savoir mieux que les éducatrices ce qui est bon pour leur enfant, et accessoirement pour ceux des autres. Allons ! D’ailleurs éducatrice ce n’est pas vraiment un métier, vu qu’on peut faire l’école à la maison ! (Je précise que tout ceci est ironique, au cas où certains n’auraient pas compris)
Et donc dans une gouvernance associative, vu qu’en droit les salariés (y compris la directrice) ne peuvent pas être juge et partie, eux, et donc membres du Bureau de l’association, et bien il faut trouver d’autres personnes : les parents sont les personnes les plus “évidentes” dans ce cas, puisqu’ils fréquentent l’école et seront donc en théorie sensibles à son avenir.
Des parents qui font fermer des écoles !
J’ai malheureusement vu de trop nombreuses écoles fermer, à cause de parents mal ou trop bien intentionnés qui sont entrés en conflit avec la directrice voire le reste de l’équipe, ou jouant une partie de l’équipe contre l’autre…Cela finit la plupart du temps très mal, et la directrice n’a pas la main pour rétablir la situation. Quel gâchis quand on pense à toute l’énergie déployée pour faire vivre une école !
Vu que je ne suis pas le seul à avoir fait ce constat, de nombreuses écoles “biaisent” légalement avec leur gouvernance, et font fonctionner des “associations” qui n’ont d’association que le nom, car elles sont totalement verrouillées : soit on place des personnes extérieures de confiance, qui n’auront pas d’intérêt dans l’école (mais c’est un peu la loterie et pas forcément durable), soit carrément des proches. Certaines associations sont ainsi pilotées par les maris, les frères ou les soeurs, les parents ou les enfants.
Garder l’esprit de l’association
Pour ma part, je pense que c’est contourner l’esprit de l’association que d’en faire une entité dans laquelle justement on n’associe pas. Soit on joue le jeu de l’association, en mettant possiblement des gardes-fous mais en ayant bien conscience que le risque zéro n’existe pas, soit on change de structure. Car d’autres formes juridiques existent quand on a d’autres projets.