Tout est dit…

Cet article est originellement signé de Michel et Fanny Lanternier (Fonds documentaire du CNMN– En guise d’éditorial – Années 1969 -70- 71).

Tout est dit, et l’on vient trop tard, depuis qu’il y a des hommes, et qui pensent…

Il semble que l’on pourrait dire à propos de l’enfant, que « tout est dit », si l’on en juge par l’énorme richesse, ou, comme certains le pensent, l’énorme fatras publié à propos de l’enfant. Est-il donc nécessaire d’en écrire encore…?

La pensée de Maria Montessori, quand on a eu la chance de pouvoir l’étudier, l’expérimenter, la traduire en langage de notre époque, apporte, nous semble-t-il, un fil conducteur continu, une lumière calme et réconfortante, soleil à côté des éclairs spasmodiques et souvent inquiétants qui précèdent d’habitude l’orage, projetés au hasard des courants psychologiques ; un amour respectueux du côté de la vie à côté de recettes qui la font supporter ; enfin, surtout un bon sens si solide et si constructeur que l’on ne peut se refuser d’en faire profiter ceux qui sont en recherche.

Connaître les étapes de la croissance de l’enfant

N’est-ce pas là une clé du problème ? Un enfant de six mois ne se traite pas comme un enfant de quelques jours, et encore moins comme un enfant de trois ans. Savoir et sentir profondément que cette croissance se fait dans le sens de la finalité à atteindre, non pas au hasard de la chance, mais suivant des lois précises qui, si elles ne sont pas respectées, occasionnent des déviations importantes.

L’enfant acquiert le mouvement, la marche, le langage, l’ordre, s’il trouve dans l’ambiance qui l’entoure, au moment voulu, une aide et un stimulant. Comment pouvons-nous être une aide dans ce mouvement vers le « Plus être », dont parle TEILHARD DE CHARDIN ?

Si l’enfant de quelques mois qui regarde la bouche de sa mère avec une intensité qui nous frappe, afin d’acquérir le langage, se trouve devant une bouche tendue, aux lèvres crispées par le désir ou le besoin de « faire vite », à cause de la tension nerveuse amenée par un rythme de vie souvent inhumain, cet enfant sera lésé dans un des besoins les plus profonds de son être, puisqu’il cherche à acquérir une des plus grandes caractéristiques de l’homme : « pouvoir  s’exprimer ». Cet enfant criera, manifestera par sa colère ce qu’il ne peut exprimer par des paroles ; il n’est pas compris.

Ceci est valable pour un moment précis de sa croissance ; mais ne faisons pas l’erreur de croire que ce besoin n’évoluera pas, et qu’après l’acquisition du langage syntaxique, il n’aura pas à acquérir encore, au fur et à mesure de son développement et à perfectionner ce langage. 

Observer et situer l’enfant

Situer l’enfant par rapport à ces lois de croissance et dans l’optique de sa finalité, n’est-ce pas là l’essentiel de ce que Maria Montessori nous apporte ?
Vingt-cinq ans d’observations faites en milieu d’enfants ni privilégiés, ni handicapés, de milieux absolument divers m’obligent à penser que Maria Montessori nous ouvre une voie très sûre, où nous devons avancer, chacun selon notre personnalité, découvrant petit à petit, sans brûler les étapes, ce qui peut rendre les enfants heureux.

A la poursuite du bonheur

Car ce n’est que dans la poursuite de notre finalité que nous pouvons trouver un bonheur vrai, et ce bonheur nous savons qu’il n’est jamais atteint une fois pour toutes : il est une marche en avant.