L’ÉCOLE DU SENS POUR TOUTE LA VIE

De l’école à l’entreprise

Les études sont claires ! Dans l’entreprise comme à l’école, la France détient des records mondiaux de mal-être et de tensions entre celles/ceux qui sont aux commandes et celles/ceux qui subissent tant bien que mal…

Dans l’entreprise, en premier lieu.

Au niveau national, tous les sept ans, la DARES (Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques) du ministère du travail réalise une enquête importante pour comprendre la situation du travail en France : l’enquête Conditions de travail. La dernière, qui date de 2013 (516 questions posées à 33 673 personnes), met en lumière deux résultats essentiels. D’une part, les travailleurs se considérant « heureux » ont pour caractéristique principale… l’autonomie durant leurs heures de travail. D’autre part, ceux qui ont l’indice de bien-être le plus faible au travail sont celles et ceux qui ont des « tensions avec la hiérarchie »

Au niveau international, quand il s’agit de décrire le contexte économique et le degré de compétitivité dans plus de 140 pays et d’analyser les atouts ainsi que les freins à la croissance dans chaque pays, la France détient un record : les plus mauvaises relations de coopération employeur – employé derrière la Grèce. Autrement dit, la France possède les entreprises où la coopération patrons-salariés est la plus faible : elle ne profite pas au bon fonctionnement de l’entreprise et au bien-être de celles et ceux qui y travaillent. 

A l’école, en deuxième lieu. 

En 2015, la France est le 71e pays sur 72 où en termes d’indiscipline juste avant la Tunisie selon l’enquête PISA. Nos élèves n’écoutent que très peu, le désordre l’emporte sur la discipline, les élèves ont de réelles difficultés à travailler, les cours commencent avec retard, le calme est difficile à obtenir, la coopération n’a pas de sens entre les élèves et l’enseignant… 

Et si une école offrait les conditions de la créativité, de l’autonomie et de la coopération entre tous les enfants ? Mieux, et si une école suscitait le désir et le plaisir d’être créatif, autonome, entreprenant et coopératif ?

Et si cela pouvait durer toute la vie ? A l’école, dans l’entreprise, dans nos engagements citoyens et différentes responsabilités ?

C’est l’ambition entre autres de l’Ecole du Sens Pour toute la Vie ! https://www.lecole-du-sens.fr

Michel SERRES : la nécessité d’inventer d’inimaginables nouveautés en pédagogie !

Le philosophe Michel Serres nous a quitté, lui qui nous a tant appris sur la vie, les arts et les sciences. Un domaine l’a intéressé en particulier durant ses dernières années de réflexion : l’éducation.

Quelle est son analyse et la grande leçon dans ce domaine pour le philosophe ? 

Dans son discours Petite Poucette : Les nouveaux défis de l’éducation qu’il prononce lors d’une séance solennelle du 1er mars 2011, il nous livre en premier lieu un état des lieux : tout comme Edgar Morin, un changement de civilisation génère un autre corps, une autre connaissance et autre rapport au monde pour le « nouvel écolier ». Michel Serres observe que « ce nouvel écolier, cette jeune étudiante n’a jamais vu veau, vache, cochon ni couvée. En 1900, la majorité des humains, sur la planète, s’occupaient de labourage et de pâturage ; en 2010, la France, comme les pays analogues au nôtre, ne compte plus qu’1 % de paysans. Sans doute faut-il voir là une des plus immenses ruptures de l’histoire, depuis le néolithique. Celle ou celui que je vous présente ne vit plus en compagnie des vivants, n’habite plus la même Terre, n’a donc plus le même rapport au monde ». Il souligne : « Ils sont formatés par les médias, diffusés par des adultes qui ont méticuleusement détruit leur faculté d’attention en réduisant la durée des images à sept secondes et le temps des réponses aux questions à quinze secondes, chiffres officiels ; dont le mot le plus répété est ‘mort’ et l’image la plus reprise celle des cadavres ».

Habiter un nouveau monde…virtuel

Pour Michel Serres, nos enfants aujourd’hui « habitent donc le virtuel. Les sciences cognitives montrent que l’usage de la toile, lecture ou écriture au pouce des messages, consultation de Wikipedia ou de Facebook, n’excitent pas les mêmes neurones ni les mêmes zones corticales que l’usage du livre, de l’ardoise ou du cahier. Ils peuvent manipuler plusieurs informations à la fois. Ils ne connaissent ni n’intègrent ni ne synthétisent comme leurs ascendants. Ils n’ont plus la même tête. Ils n’habitent plus le même espace. Sans que nous nous en apercevions, un nouvel humain est né, pendant un intervalle bref, celui qui nous sépare de la Seconde Guerre mondiale ». De fait, le philosophe qui est également grand-père appuie sa démonstration : « il ou elle écrit autrement. Pour l’observer, avec admiration, envoyer, plus rapidement que je ne saurai jamais le faire de mes doigts gourds, envoyer, dis-je, des SMS avec les deux pouces, je les ai baptisés, avec la plus grande tendresse que puisse exprimer un grand-père, Petite Poucette et Petit Poucet. Voilà leur nom, plus joli que le vieux mot, pseudo-savant, de dactylo. N’ayant plus la même tête que celle de ses parents, il ou elle connaît autrement. »

Mais comme « un atome sans valence, Petite Poucette est toute nue. Nous, adultes, n’avons inventé aucun lien social nouveau. De même donc que la pédagogie fut inventée (paideia) par les Grecs, au moment de l’invention et de la propagation de l’écriture ; de même qu’elle se transforma quand émergea l’imprimerie, à la Renaissance ; de même, la pédagogie change totalement avec les nouvelles technologies. »

Alors… que faire une fois cet état des lieux posé ? 

Puisque « l’apprentissage est métissage » comme il le rappelle dans son Tiers-instruit (1992), il n’y a qu’une seule chose à faire : « Face à ces mutations, sans doute convient-il d’inventer d’inimaginables nouveautés, hors les cadres désuets qui formatent encore nos conduites et nos projets. Nos institutions luisent d’un éclat qui ressemble, aujourd’hui, à celui des constellations dont l’astrophysique nous apprit jadis qu’elles étaient mortes déjà depuis longtemps. ». Ce n’est pas sans rappeler Maria Montessori qui en 1949 conclut une de ses conférences par : « nous avons étudié les moyens d’harmoniser les rapports entre enfants et adultes et nous avons beaucoup appris, mais il reste encore beaucoup à apprendre et à faire. »

Les 5 + de l’apprentissage des enfants quand ils sont connectés à la Nature

De la recherche…

Les expériences des enfants avec la nature – du sac à dos en pleine nature aux plantes dans une école maternelle, en passant par une leçon sur les grenouilles dans les zones humides – favorisent-elles leurs apprentissages ? 

Jusqu’en 2019, les affirmations péremptoires dépassaient les preuves sur cette question. 

Or, depuis cette date, une étude scientifique répond clairement à la question de l’impact de la Nature sur l’apprentissage. De fait, depuis les années quatre-vingts, le domaine a mûri, non seulement en corroborant des affirmations jusque-là non-démontrées, mais aussi en approfondissant la compréhension de la relation de cause à effet entre Nature et apprentissage. Des centaines d’études portent maintenant sur cette question et les preuves convergentes démontrent que les expériences de la Nature stimulent l’apprentissage académique, le développement personnel et la gestion responsable de l’environnement. 

Une brève étude, ou plus exactement une méta-étude faisant le point sur d’autres études résume les avancées récentes et l’état actuel de la science sur la question :

Ming Kuo, Michael Barnes and Catherine Jordan, « Do Experiences With Nature Promote Learning ? Converging Evidence of a Cause-and-Effect Relationship » (Les expériences avec la nature favorisent-elles l’apprentissage ? Preuve convergente d’une relation de cause à effet), Psychology in frontiers, 19 février 2019.

La recherche sur le développement personnel et les relations à l’environnement est convaincante : 

  • une trentaine de rapports émanant d’observateurs indépendants, de chercheurs ainsi que de pédagogues participant eux-mêmes aux études, indiquent des changements quant à la concentration des enfants, leur persévérance, la résolution de problèmes, la pensée critique, le leadership, le travail d’équipe et le désir d’apprendre lorsqu’ils sont connectés à la nature. 
  • plus de cinquante études indiquent que la Nature joue un rôle clé, d’une part, dans le développement de comportements pro-environnementaux, en particulier en favorisant un lien affectif avec la nature et, d’autre part, dans la volonté des enfants de s’engager au service des autres.

En résumé, l’apprentissage d’un enfant connecté à la Nature s’améliore nettement car l’enfant est : 

  • moins stressé,
  • plus attentif et concentré,
  • plus discipliné et coopératif,
  • plus intéressé, motivé et engagé,
  • plus physiquement actif et en forme !

…à l’action

Dès lors, n’est-il pas venu le temps de prendre la Nature au sérieux en tant que ressource d’apprentissage et de développement de l’être de l’enfant ? 

L’urgence est d’introduire la pédagogie axée sur la nature et la nature dans l’éducation afin d’élargir les efforts isolés existants aux pratiques de plus en plus courantes. Il convient ainsi de développer des jardins scolaires, des cours et des murs verts dans les salles de classe. Pour la pédagogue Maria Montessori, la période allant de 12 à 18 ans est nommée Erd Kinder, ce qui signifie en hollandais : « Enfants de la Terre ». En ce sens, elle préconise une ferme que les adolescents doivent pouvoir gérer, accompagnés par les adultes. 

De notre côté, nous proposons avec Ekolo (http://www.ekolo.bio) les premières « colos » écolos en forêt en adoptant la posture montessorienne. 

Ces séjours de loisirs d’été reposent sur un premier principe : « l’autonomie des enfants ». Autrement dit, ils choisissent selon leurs envies et en fonction des contraintes en agora (ou assemblée)leurs activités. Un deuxième principe est « la santé dans l’assiette ». Autrement dit, les enfants cuisinent et mangent « bio et local » : des partenariats sont réalisés avec les producteurs locaux « bio ». Un troisième principe est « un cadre apaisant et sécurisé ». Autrement dit, alors que la loi oblige un encadrement d’un adulte pour douze enfants, ces séjours ont un adulte pour quatre enfants. Un quatrième principe est que ces séjours sont accessibles au plus grand nombre : ils sont en moyenne 15 % moins chers que les autres séjours. 

Enfin, le dernier principe est la connexion à la Nature : construction des cabanes dans la forêt, atelier de bricolage en plein air, atelier poterie et sculpture, balades en forêt, observations de la faune et de la flore, circuits à bille et à eau, promenades à vélo sur la « voie verte » en forêt, jardin potager sur place et pêche à l’étang sur place. Il en va finalement du développement de nos enfants, c’est-à-dire de la civilisation.

48,5 % des jeunes de niveau collège ont des difficultés de lecture

L’illettrisme, un fléau social

Avant toute chose, définissons de quoi l’on parle ! L’illettrisme concerne des personnes qui, après avoir été scolarisées en France, n’ont pas acquis une maîtrise suffisante de la lecture, de l’écriture, du calcul, des compétences de base, pour être autonomes dans les situations simples de la vie courante.

En juin 2019, sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale, une étude de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance montre que l’illettrisme touche 5,2% des 16-25 ans en 2018 ; ils étaient 5,1 % en 2014. Autrement dit, il y aurait une stagnation, voire une très légère augmentation de 0,1 point. L’illétrisme ne recule donc pas en France ! 

De quoi s’interroger sur l’apprentissage de l’écriture et de la lecture malgré tous les efforts fournis… d’autant plus que l’enquête met en avant un chiffre record : 48,5 % des jeunes de niveau collège ont des difficultés de lecture. De quoi remettre en question tout notre système d’apprentissage national de notre langue française !

Sauf… que « les résultats de l’année 2018 ne peuvent pas être interprétés en évolution » nous dit l’enquête. En effet, « une rupture de série par rapport aux années antérieures à 2016 a été constatée. Elle est causée par « des problèmes techniques rencontrés lors des passations ». Ces problèmes ont empêché « les jeunes de répondre à certains items, or une non-réponse est considérée comme une non-maîtrise de ce qui est attendu ». Par conséquent, « le pourcentage de jeunes en difficulté de lecture est surestimé en 2018, 2017 ainsi qu’en 2016 ».

D’où trois questions !

La première question : comment expliquer qu’il ait fallu trois années pour s’apercevoir des « problèmes techniques » ?

La deuxième : comment expliquer que scientifiquement une non-réponse soit équivalente à « non-maîtrise de ce qui est attendu » ? 

La dernière, enfin : ces biais techniques invalident-ils tous les résultats de l’enquête ministérielle ?

Si nous ne pouvons répondre aux deux premières, la dernière question appelle cependant une réponse claire : non ! Certains résultats sont exploitables !

En effet, ces résultats peuvent être étudiés à l’échelle départementale. S’il n’est pas possible d’apprécier de manière chronologique les résultats du fait de biais techniques existant dans les enquêtes de 2016, 2017 et 2018, il est facile de les considérer de manière synchronique – ou au même instant dans différents territoires – dans la mesure où le biais technique du logiciel a concerné tous les jeunes qui ont répondu à l’enquête en 2018 quel que soit leur territoire. 

Qu’observe-t-on alors ? Les différences départementales sont très fortes. 

Ainsi, la fréquence des difficultés de lecture est, en France métropolitaine, plus prononcée dans des départements du nord ou entourant l’Île-de-France. De fait, la part des jeunes en difficulté de lecture s’élève à 17,2% dans l’Aisne, 15,4% dans la Somme et 14,1% dans l’Oise. Elle atteint aussi 15,3% dans la Nièvre et 15,2% en Charente. En Île-de-France, la part des jeunes en difficulté varie de 5% à Paris à 12,3% en Seine-Saint-Denis. 

Ces inégalités territoriales sont à rattacher en particulier aux inégalités sociales, culturelles et économiques. Comment expliquer la différence de 7,3 points entre Paris et la Seine-Saint-Denis ? Notre réponse : lors d’une enquête qui a duré près de quatre ans auprès de 1 040 jeunes, notre cabinet THE OLIVE BRANCH a mis en lumière les disparités linguistiques dans l’enseignement primaire et secondaire dues aux inégalités sociales et culturelles des familles. Nous ne faisons que confirmer les résultats des sociolinguistes tels que ceux développés par Basil Bernstein. 

D’où, in fine, deux questions que je pose : 

  1. combien de temps encore va-t-on ignorer les résultats internationaux probants apportés par la méthode de Maria Montessori pour l’apprentissage de la lecture et de l’écriture ?
  1. qui donc a intérêt à laisser se développer l’illétrisme, symbole de l’inégal accès à la culture, au savoir et donc à l’émancipation ?