Qui était Maria Montessori ? 7 anecdotes pour mieux la comprendre

Maria Montessori, une personnalité hors du commun

Qui était Maria Montessori ? Sans aucun doute, Maria Montessori a été une personne hors du commun, avec un parcours de vie hors normes comme nous l’avons présenté ici. Dans sa vie personnelle aussi, elle a été une figure inspirante, comme son arrière petite-fille en a témoigné dans cet article.

7 anecdotes de sa vie pour mieux la comprendre

Aujourd’hui, je voudrais vous narrer 10 anecdotes pas forcément très connues pour vous permettre de mieux comprendre qui était cette pédagogue hors du commun.

L’incident de la jupe à volants

La légende veut qu’au cours de ses premières études de médecine, Maria Montessori ait choqué ses professeurs conservateurs en portant une jupe à volants pour disséquer un cadavre humain. Sa tenue non conventionnelle a non seulement remis en question les normes sociétales, mais elle a également symbolisé sa détermination intrépide à briser les barrières et à tracer sa propre voie.

Le cas des enfants « inéducables »

L’une des percées les plus importantes de Montessori s’est produite lorsqu’elle a été chargée d’éduquer des enfants handicapés mentaux jugés « inéducables ». Grâce à son approche patiente et compatissante, elle a découvert que ces enfants pouvaient apprendre et s’épanouir lorsqu’ils bénéficiaient d’un environnement, d’un matériel et d’un encadrement adéquats. Cette expérience transformatrice a fait voler en éclats les préjugés de la société et a incité Montessori à se consacrer toute sa vie à l’éducation inclusive.

Le miracle de la « Casa dei Bambini »

Le travail de pionnière de Montessori à la « Casa dei Bambini », une maison d’enfants située dans le quartier pauvre de San Lorenzo à Rome, est devenu un symbole de sa philosophie éducative. Malgré le scepticisme initial des parents et de la communauté, les progrès et les réussites remarquables des enfants dans l’environnement Montessori ont été connus sous le nom de « miracle de l’enfance ».

La méthode Montessori prend son envol

Au fur et à mesure que l’approche éducative de Montessori est reconnue et acclamée, ses idées commencent à se répandre dans le monde entier. De l’Italie aux États-Unis, de l’Inde au Japon, les écoles Montessori ont poussé comme des marguerites, attirant des éducateurs qui adhéraient à sa philosophie d’apprentissage centré sur l’enfant. Dans les années 1920 (cf. carte) le mouvement Montessori était déjà présent sur les 5 continents ! Ce mouvement mondial continue de prospérer et d’influencer d’innombrables vies à ce jour.

L’éternelle innovatrice

L’esprit d’innovation de Maria Montessori et sa foi inébranlable dans le potentiel de chaque enfant sont une source d’inspiration intemporelle. En revenant d’Inde après la seconde guerre mondiale, elle est retournée aux Pays-Bas où ses disciples avaient précieusement entreposé et sauvegardé son matériel pendant les années de guerre. Son premier réflexe n’a pas été de remettre les choses comme avant, mais bien au contraire de tout chambouler et remodeler en fonction de ce qu’elle avait observé et appris en Inde. Au grand désespoir (temporaire) de ses collègues. Son héritage nous rappelle qu’il faut remettre en question les idées reçues, embrasser l’individualité et créer des environnements éducatifs qui célèbrent le caractère unique de chaque apprenant.

La briseuse de plafond de verre

En tant que femme au début du 20e siècle, Maria Montessori a dû faire face à de nombreux obstacles dans sa quête d’éducation et de carrière. Malgré les attentes de la société, elle est devenue la première femme médecin en Italie, brisant le plafond de verre et ouvrant la voie aux futures générations de femmes dans le domaine de la médecine.

Le pouvoir de l’adaptation

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la vie de Montessori a pris un tournant dramatique : alors qu’elle était en voyage en Inde, la guerre a été déclarée, et elle s’est retrouvée assignée à résidence en tant que ressortissante italienne. Et même séparée de son fils Mario dans un premier temps. Au lieu de ses lamenter, elle a profité de ces années pour découvrir de nouvelles choses et s’ouvrir à de nouvelles perspectives, finissant même par donner des cours à la population locale. Cette période a mis en évidence sa résilience, sa capacité d’adaptation et son engagement envers sa mission, même face à l’adversité.

Ces anecdotes donnent un aperçu de la vie à multiples facettes de Maria Montessori, mettant en lumière sa détermination, sa résilience et sa quête permanente de connaissances et de croissance.

Hommage à « Mammolina » : Maria Montessori en famille

Maria Montessori at the age of 13 in 1883.

Ce texte est la retranscription et traduction en français d’une intervention donnée par Helen Henny, arrière-petite-fille de Maria Montessori, lors de l’Assemblée Générale Annuelle de l’Association Montessori Internationale (AMI) à Amsterdam en avril 2019. Un beau souvenir et un grand moment d’émotion pour tous ceux qui comme moi ont pu y assister.

L’original du texte en anglais est consultable sur le site de l’AMI.

Bonjour à tous, bonjour à vous chers Montessoriens,

Je m’appelle Helen, du nom de ma grand-mère Helen Christy, première épouse de Mario Montessori et mère de ses quatre enfants.
Je suis la fille de Maria Elena Adelia Pace Montessori-Marilena, l’aînée de Mario et la première petite-fille de Maria Montessori.

L’influence importante de Maria Montessori sur sa famille

La famille Montessori était tellement émerveillée et heureuse de l’arrivée de ce premier enfant, de ce miracle, qu’elle l’a mise dans un panier rempli de fleurs et l’a placée au milieu de la table de la salle à manger comme pièce maîtresse. Imaginez la surprise des visiteurs qui, tout à coup, entendaient de petits gargouillis provenant des fleurs et du feuillage.
Maria, ou Mammolina comme nous l’appelons dans la famille, a eu une influence énorme sur la vie de Mario, de sa femme et de leurs quatre enfants. Et à travers eux, sur notre vie à nous, ses arrière-petits-enfants.
D’une certaine manière, elle a eu une influence directe sur le début de ma vie. 

Ma mère, qui n’était pas croyante, m’a toujours dit que si elle devait croire en quelque chose, ce serait en la réincarnation, parce que c’était le seul système de croyance qui donnait un sens à l’énorme injustice et à l’inégalité qui existaient dans le monde. Lorsqu’elle m’attendait, deux ans après la mort de Mammolina, je devais accoucher le 31 août, qui est – comme la plupart d’entre vous le savent – l’anniversaire même de Maria Montessori. Ma mère a paniqué. 
Comme elle l’a admis plus tard avec culpabilité : « Je t’ai fait sortir prématurément. Tu n’étais pas tout à fait terminée quand tu es née. Tu n’avais pas encore de cils ! ».

Quand on est enfant, on prend ces histoires pour argent comptant, mais quand j’ai été plus grand, je lui ai demandé pourquoi elle avait ressenti le besoin de faire cela. Elle m’a répondu : « J’avais tellement peur que tu sois une réincarnation de Mammolina. » Je n’ai pas compris. Pourquoi serait-ce une si mauvaise chose ? « Parce que, dit-elle, tu serais devenu un génie, ce qui ne me semblait pas être un problème non plus. Mais elle a poursuivi : « Et les génies sont seuls. Dans leur esprit, ils sont tellement en avance sur leur temps, ils fonctionnent sur un plan de pensée tellement différent, qu’ils peuvent difficilement trouver quelqu’un du même niveau intellectuel, de la même compréhension. C’est ce qui les rend solitaires. Donc, je ne voulais pas que tu deviennes un génie, je voulais que tu deviennes une personne heureuse et normale ». 
Eh bien, tout est bien qui finit bien : Je ne suis certainement pas devenu un génie. Mes cils ont fini par pousser et, pour ce qui est de la normalité… c’est aux autres d’en décider !

Mammolina, rappelle ma mère dans ses mémoires, était le centre de leur univers. Comme son fils Mario avait choisi de lui consacrer sa vie et son travail, et comme elle était une Nonna italienne, elle vivait avec son fils et sa famille. 
C’est grâce à elle que ma mère se dit italienne, même si elle, son frère Mario et sa sœur Renilde sont nés à Barcelone et que les frères et sœurs ont grandi dans plusieurs pays différents, au gré des déménagements de la famille en fonction de la situation politique ou du travail de Mammolina. En fin de compte, ma mère parlait espagnol avec son frère Mario et sa sœur Renilde, anglais avec sa mère et son plus jeune frère Rolando, et italien avec son père et sa grand-mère. Et bien sûr, elle parlait le néerlandais avec nous lorsqu’elle a épousé mon père, Jan Henny, et qu’elle est devenue mère à son tour.

Maria Montessori, une vie dédié au travail pour les enfants

La présence de Mammolina a dominé leur vie, sur le plan pratique, cognitif et émotionnel.
Lorsqu’elle préparait un cours, elle restait assise pendant des heures à sa table semi-ovale dans la salle à manger familiale, une cigarette à bout d’or au coin de la bouche, regardant à travers la fumée ses petites cartes à jouer pendant d’interminables parties de Solitaire, tout en ruminant les pensées à mettre en avant, les théorèmes à avancer. Puis elle montait dans son bureau et couchait ses pensées sur le papier, des pages et des pages couvertes de son élégante écriture. Plus tard, elle en lisait des bribes à haute voix à la famille, leur demandait leur avis, leurs réactions, ce qu’elles leur avaient fait comprendre. Puis elle réécrivait, simplifiait, améliorait.
Avant une conférence, toute la maison résonnait de ses nerfs. Que porter ? Quelle robe, quelle écharpe, quel châle, quel chapeau, quels gants ? Son apparence était toujours méticuleuse et élégante. C’est ce que sa mère Renilde avait toujours souligné. Et cela ne passe pas inaperçu :

Un journaliste néerlandais – un homme sans doute – qui rendit compte pour le Java Bode de son intervention au Congrès féministe international de Berlin en septembre 1896, ne raconta rien de son discours, du contenu de ce qu’elle était venue dire. Il s’est contenté d’exalter avec jubilation la beauté italienne de cette « petite socialiste rouge feu », ses tresses sombres et ses yeux noirs pétillants, son allure élégante et ses formulaires remplis, la douce musique de sa langue, etc. etc.
L’émancipation avait encore un long chemin à parcourir. (Et c’est encore le cas…)

Une fois arrivée à l’amphithéâtre, Mammolina restait assise pendant les présentations et les préliminaires, tripotant ses gants, ouvrant et fermant son sac à main, tournant la tige de la rose que son fils Mario lui offrait toujours avant un discours ou une conférence. 
Et puis, quand son tour était venu, elle se levait et toute la nervosité et l’incertitude disparaissaient quand elle commençait à parler de sa voix claire et résonnante. Souvent, elle abordait un sujet complètement différent de celui qu’elle avait préparé avec tant de soin. Elle ne lisait jamais de texte.

Sauf une fois, comme ma mère s’en souvient…
Les deux petits-enfants les plus âgés devaient l’accompagner à ses conférences et discours et se faire une opinion à leur sujet. Ainsi, ma mère se souvient d’avoir assisté, à l’âge de onze ans, à un événement particulièrement majestueux et officiel à la fin ou au début d’un cours. Les orateurs étaient des membres du Parlement, d’éminents professeurs et d’autres personnes éminentes, et ils lisaient tous des discours impressionnants tirés de documents impressionnants. Ma mère a remarqué que, tout en s’ennuyant mais en restant patiemment assise, Mammolina commençait à s’agiter, peut-être même un peu : manifestement, quelque chose la dérangeait. Elle cherchait nerveusement quelque chose dans son sac à main. Le soulagement se lit sur son visage lorsqu’elle trouve enfin ce qu’elle cherchait : un petit bout de papier. Lorsque son tour est venu – le dernier des orateurs – elle est montée à la tribune et a commencé à parler, d’abord timidement, en consultant attentivement son morceau de papier. Au fur et à mesure de son discours, elle s’est redressée et a parlé avec de plus en plus d’assurance et d’enthousiasme. Alors qu’elle inspirait et enthousiasmait de plus en plus son auditoire, la personne à côté d’elle ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil sur le morceau de papier qu’elle tenait toujours à la main : à son grand étonnement, il était vierge ! Il n’y avait rien d’écrit dessus ! 
Il s’avéra que Mammolina s’était sentie gênée d’être la seule oratrice présente à ne pas avoir écrit son discours !

Outre le fait d’être une scientifique et une féministe exceptionnelle, une femme qui, dans les dernières années de sa vie au Koninginneweg, a continué à travailler – toujours avec une cigarette à la bouche – Mammolina aimait aussi la nourriture et sa préparation avec toute la famille ; l’un de ses plats préférés était les gnocchis de pommes de terre, un travail assez éreintant à réaliser ! Pour se détendre, elle lisait des romans policiers – à son avis, les seuls livres acceptables à lire en dehors des tomes et des articles scientifiques. Elle adorait jouer à des jeux et devait absolument gagner ! Et la famille la laissait faire ! Ou bien elle emmenait Mario et Marilena au cinéma pour des séances de « binge-watching » : 4 films d’affilée. Au milieu desquels elle s’endormait, bien sûr, et se réveillait en disant soudain à voix haute : « Qui est cet homme ? Qu’est-ce qu’il fait ? » Au grand embarras de ses petits-enfants.

La célèbre scientifique Dottoressa Montessori a elle-même été une enfant, une adolescente. Une jeune fille de 13 ans que j’ai appris à connaître d’une certaine manière. Je m’asseyais en face d’elle à la table de notre salle à manger et nous échangions des regards pendant des heures lors de dîners officiels, de repas d’anniversaire et de réunions de famille. La plupart du temps, notre table de salle à manger comptait douze convives. Et comme j’étais la plus jeune de la famille, je n’avais pas grand-chose à ajouter aux conversations des adultes et nous nous regardions donc beaucoup, la jeune Maria et moi. Elle était assise bien droite, sa frange couvrant son front, ses longs cheveux noirs attachés par un nœud rouge. Sa main gauche, gantée et délicate, tenait une rose sur ses genoux. Et ses yeux, sombres et inquisiteurs.

D’après les notes méticuleuses que son père Alessandro a prises sur sa fille Maria, au fur et à mesure qu’elle grandissait, et d’après les notes qu’elle a elle-même prises à cette époque, nous savons qu’elle ne mesurait alors qu’environ 1,47 m. Elle n’était pas très douée pour les études. Elle ne s’y intéressait pas non plus. Au lieu d’écouter ses professeurs, elle imaginait de petits jeux et des pièces de théâtre. En 1884, elle entre à l’école technique pour filles Regia Scuola Tecnica Buonarroti. Mais, selon son père, elle fréquente surtout ses amis et ne montre aucune ambition réelle. Certes, elle prend des cours de piano et de théâtre et rêve même de devenir actrice. Lorsque, après l’une de ses représentations, ses amis et son professeur l’ont copieusement complimentée pour son excellente performance, elle a soudain « vu la lumière ». Elle a compris que ce n’était pas son avenir, qu’elle avait des choses plus importantes à faire. À partir de ce moment, elle s’est vraiment mise à étudier, en se concentrant d’abord sur les langues, puis sur les mathématiques. 
Elle voulait devenir enseignante et entrer à l’école normale pour femmes. Hélas, le ministère de l’éducation ne reconnaît pas son diplôme comme suffisant pour entrer dans cette école. Elle décide donc de s’inscrire à l’Istituto Tecnico Maschile Leonardo Da Vinci – une école technique pour garçons – avec l’intention de devenir ingénieur.

La parabole des « portes qui se ferment »

Il semble que ce soit la première porte de la parabole des « portes qui se ferment ». Comme Mammolina l’a expliqué à ma mère plus tard dans sa vie à travers cette parabole : elle n’avait pas choisi sa voie, son destin, elle avait été choisie, elle avait été conduite par des portes qui se sont fermées pour elle et l’ont forcée à faire un autre choix, à prendre une autre route.
Enfant, ma mère imaginait sa grand-mère, désireuse de s’inscrire à l’université, se hâtant vers la place où se dressait le bâtiment de l’université, afin de s’inscrire à l’étude de l’ingénierie. Mais, trouvant la porte fermée, elle essaya l’autre porte du bâtiment, celle de la faculté de médecine.  Le reste appartient à l’histoire.

Mais la Maria de 1883, ma compagne silencieuse à la table de notre salle à manger, était encore une jeune fille qui ne savait pas encore ce qu’elle voulait dans la vie. L’avenir s’ouvrait devant elle. Elle ne se rendait pas encore compte qu’en « fermant des portes » – comme elle le disait – elle serait poussée vers le travail important qu’elle a finalement entrepris pour le bien des enfants, de l’humanité et du monde. 
Une œuvre que vous tous ici avez reprise pour la diffuser dans le monde entier, une œuvre à laquelle vous consacrez votre temps, votre énergie, votre vie. Une œuvre qui est plus que jamais nécessaire – même si je me rends compte que chaque génération pense probablement la même chose : plus que jamais.
Je me tiens ici avec respect et admiration pour le travail que vous accomplissez tous. 
Je suis ici en mémoire de ma mère Marilena, dont ce sera le centenaire le 16 juin.
Je suis ici pour célébrer le 90e anniversaire de l’AMI. 
Je suis ici parce que je me suis rendu compte que la jeune Maria de 1883 vous appartient autant qu’à moi. 

Je souhaite donc vous présenter et vous faire don, par l’intermédiaire de l’AMI, du portrait de Maria Montessori, âgée de 13 ans, peint par le peintre A. Berrini à Rome en 1883.
Je vous remercie.


Helen Henny


*Avec mes remerciements à ma défunte mère M.E.A.P. Henny-Montessori, et à mes cousins C. Hussein-Montessori et A. Visser-Montessori pour leur contribution.

Si un tout-petit pouvait parler…

Cet article est originellement signé d’Ignace Mulliez, membre du comité de rédaction (Extrait du Fonds documentaire du CNMN et de L’Enfant et la Vie – Années 1969 -70- 71). 

Le nouveau-né

Maman vient de me déposer doucement dans mon berceau. J’ouvre les yeux de temps en temps et je peux voir tout ce qui se passe… C’est fort nouveau et donc très intéressant…

Après mon petit corps, c’est maintenant, mon esprit que je dois construire. Pour cela, j’ai besoin de liberté pour mes yeux et mes oreilles. Et même pour mes bras et jambes. Beaucoup de mes malheureux collèges de promo sont coincés au plus profond d’un berceau aux parois hautes et aveugles… Devront-ils attendre 5 ou 6 mois pour sortir de cette prison et savoir ce qui se passe ? C’est bien simple, leur esprit n’est nourri que des bruits qui leur parviennent, d’ailleurs mal : ils y répondent naturellement en criant comme des lycéens, autant pour se distraire que pour obtenir des sorties temporaires accompagnées, bien-sûr de gronderies désagréables.

J’ai un berceau ‘panoramique’… Merci et bravo maman. Tu seras d’ailleurs plus tranquille car j’y reste plus volontiers même quand je ne dors pas.
Cette lumière qui remplit mes yeux, c’est plutôt brutal ; maman clôt légèrement les rideaux bleus, pour que je puisse ouvrir mes yeux plus grands.

Tout m’amuse et je gazouille en digérant mon dernier casse-croûte et en attendant le suivant. Alors, tandis que je tête, maman me dit des tas de mots jolis qui sont pour moi l’aide la plus précieuse que l’on peut me donner pour que je construise mon langage. 

J’ai quinze mois ou guère plus

Des mots, j’en connais des tas, je les repère au passage lorsque maman les met en phrases.
J’ai ma table de toilette à moi. J’y range mon gant de toilette, bien ajusté à ma main et un peu serré au poignet : je peux ainsi frotter ma frimousse sans qu’il m’échappe quand j’y passe un petit bout de savon.

J’ai mon miroir : c’est utile pour savoir qui on est déjà, et si on est bien peigné ; maman, elle, ne peut y voir que de ses pieds à ses genoux à peu près. Mais elle en a un autre, de son âge où je ne vois rien, sauf quand elle me porte. Je deviens vraiment un peu lourd pour elle. Et moi, cela m’embête d’être porté, j’ai des jambes après tout.

J’ai aussi un vrai verre à dent, une vraie brosse et du dentifrice dont je fais parfois des sottises, mais j’ai tout ce qu’il faut pour nettoyer, lorsque j’ai versé un peu d’eau à terre, j’essuie cela avec ma serpillère. Quand je me rince les dents et que j’avale l’eau elle n’en fait pas un drame. Elle m’explique et je crache gentiment.

Au début, elle m’aide, mais je préfère faire tout seul. Tout ! Etc. etc. etc.

Merci ou « dis merci » ?

« Merci ».

Un petit mot qui sourit quand il est dit tout simplement, avec spontanéité, pour une petite chose. Un petit mot qui chante à l’oreille, et qui sait si bien chanter au cœur quand il exprime un sentiment. Mais s’il faut le quémander, en faire un réflexe conditionné, il perd sa gratuité, et celui qui donne devient celui qui veut recevoir. S’il n’est plus que le vernis d’une politesse il se dessèche et perd son essence. « Oui », c’est un petit mot fragile… 

Une petite fille de 2 ans aidait sa maman avec joie. Elle prenait les objets achetés, les donnait à sa maman qui les donnait à l’épicière, qui en tapait le prix et les mettait dans le sac de la dame. C’était gentil, mais tout allait se gâter lors de la cérémonie du bonbon ; en effet, cette commerçante avait l’habitude d’en donner aux enfants. Elle présenta donc ce bonbon à la fillette qui l’eût pris si la dame ne l’eût tenu fermement entre ses doigts. C’est alors que les : ‘Qu’est-ce qu’on dit ?’ – ‘Dis merci’, apparurent. La petite fille était tiraillée entre le regard foudroyant de sa mère, celui buté de la marchande et ce fameux bonbon.
Et la mère de se lamenter : – « Ah celle-là ! la voilà qui fait sa tête », « Têtue va ».
La petite fille si joyeuse tout à l’heure, avait pris un regard fermé.
Pourquoi ce refus ?
L’enfant était peut-être intimidée… On l’avait mise de mauvaise humeur avec cette insistance. Et, après-tout, lui avait-on dit merci, tout à l’heure quand elle tendait si gentiment les objets à sa maman, Non.
La maman avait l’air désolée : les autres disent merci, pas sa fille et pourtant elle avait le sentiment de l’élever en lui faisant dire merci. Elle l’avait giflée et eue tout à fait bonne conscience de lui avoir donné une bonne leçon. Quant à la marchande, elle avait rangé le bonbon !
La prochaine fois, elle dira merci. Oui, peut-être, mais quel merci ?!

Un enfant peut-il dire merci sans qu’on lui dise « dis merci ! » ?

Je connais un enfant à qui l’on ne dit pas cela et pourtant, il dit « merci » toute la journée ; et chaque « merci » est un petit rayon de soleil pour nous, adultes. Il a presque trois ans. Lorsqu’il commençait à parler, ce fut une découverte. Il sortait la vaisselle de l’armoire tandis que sa maman mettait le couvert. Elle lui disait « merci » pour chaque objet qu’il tendait : Un couteau : « Merci » ; une assiette : « Merci » ; un verre : « Merci.
Le petit inversa les rôles, et dit « merci » en tendant l’objet, par imitation sans doute. Il ne comprenait pas, mais il aimait ce jeu. Il disait : « – Viens, maman, on va dire merci ». Et si le décor changeait, la scène restait immuable.
Petit à petit, le jeu devint plus pensé. Avec intelligence l’enfant n’inversa plus, il tint bien son rôle, puis disait à sa mère : « maman, change, je veux dire « merci ». La maman tendait alors les objets à l’enfant, qui disait : « merci ». Ainsi l’embryon du merci était né. Il restait à passer de ce stade au stade ‘moral’, c’est-à-dire à celui du cœur. Cela se fit doucement, sans bruit ni éclat, comme se font les choses importantes. Seule, la maman fit cette découverte. Personne sans doute ne vit la différence. Mais cette maman là eut la joie de constater, au regard de son enfant, que le vrai merci était bien celui-là. 

Pourquoi l’autre maman n’aurait-elle pas cette joie, elle aussi, avec sa petite fille ?

Bien souvent nous nous privons de choses bien douces. C’est si merveilleux, lorsque l’on sait attendre, de voir une petite violette pousser dans un bois parce qu’elle a tout ce qu’il lui faut. Mais si elle est enfermée dans une serre et que l’on intervient à grand renfort d’engrais, elle poussera, bien-sûr, et même plus vite. Mais aura-t-elle la fraicheur, le parfum, la vigueur de celle des bois ? C’est là toute la différence.
Dans notre cas du « merci », si la maman avait toujours dit « merci » à sa petite fille, il n’y aurait aucune raison pour que sa fille ne le dise pas ; mais elle a brusqué son enfant. Les : « dis merci » sont tel l’engrais. Le merci sera forcé, ‘poussé’, comme l’on dit en culture ou en élevage, et il ne deviendra pas avant longtemps le « merci » du cœur. Il en est ainsi de nos enfants. La scène de l’épicerie, et d’autres aussi peut être, sont gravées dans le cerveau de l’enfant comme le sont toutes nos actions envers lui, plus profondément même, si l’enfant est plus jeune. Soyons le bon terrain des bois. Il est discret, fort, c’est lui qui fait vivre.

Adieu les :« dis merci ».
« Merci », tout court.

Anne Motte, membre du comité de rédaction (Fonds documentaire du CNMN et de L’Enfant et la Vie – Années 1969 -70- 71).

Jeannette Toulemonde – Un mensonge, vraiment ? (1969)

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Cet article a été édité en partenariat avec le Centre Nascita Montessori du Nord et son fonds documentaire.

(Fonds documentaire, EV. 1969 – Extrait ‘Le vrai et le faux’, par Jeannette Toulemonde, fondatrice du CNMN et de L’Enfant et la Vie)

Que faire si nous croyons découvrir un mensonge chez notre enfant ?

« Maman, la maîtresse a dit qu’il fallait apporter un rouleau de scotch… »

Une petite fille demandait ainsi à sa mère tous les jours quelque-chose de nouveau. La maman questionna la maîtresse et apprit que celle-ci n’exigeait rien de tel.

Elle réfléchit à sa propre attitude vis-à-vis de sa fille et reconnut que, si elle était généreuse en jouets, elle n’aimait pas beaucoup lui prêter le contenu de son tiroir : colle, crayons, etc…, ni lui acheter ces objets à la papeterie.

À force d’entendre répondre ‘non’, la petite fille avait trouvé un moyen d’acquérir ces objets, bien plus intéressants pour elle que de des jouets, et bien plus constructifs.

Derrière le ‘mensonge’ de nos enfants, nous pouvons souvent trouver une erreur de notre part. Cette erreur est souvent une trop grande emprise sur lui, qui force l’enfant à employer des moyens détournés pour arriver au but qui lui est fixé intérieurement.

Là encore il s’agit d’une déviation : l’enfant a rencontré un obstacle, il part dans une autre direction. Ne soyons pas un obstacle sur le chemin de nos enfants.

Mais ne prenons pas pour des mensonges toutes leurs paroles qui ne sont pas vraies selon nous.

Le petit enfant est un apprenti.

Son esprit s’exerce, cherche ; il peut lui arriver de se tromper. Ce n’est pas en le reprenant, en le grondant pour un soi-disant mensonge que nous l’aiderons à voir clair.

Aidons-le par une ambiance claire.

À un petit garçon de 4 ans qui dit à ses amis : « mon papa conduit un gros camion », alors que celui-ci est par exemple employé à la mairie, on ne répond pas vilain petit menteur ; car ce n’est pas volontairement qu’il a fait entorse à la réalité.

Une faute inconsciente n’est pas une faute.

Il a pris, comme souvent « ses désirs pour des réalités », c’est si imposant un gros camion ! Et il voulait tant que son papa qu’il aime, puisse avoir le plaisir de le conduire.

L’enfant a toujours une raison.

Cherchons cette raison chaque fois que nous voyons apparaitre un trouble, une déviation. Même si nous n’avons pas trouvé, rendons-lui l’ambiance positive dans laquelle le défaut ne peut pas vivre.

Tout est dit…

Cet article est originellement signé de Michel et Fanny Lanternier (Fonds documentaire du CNMN– En guise d’éditorial – Années 1969 -70- 71).

Tout est dit, et l’on vient trop tard, depuis qu’il y a des hommes, et qui pensent…

Il semble que l’on pourrait dire à propos de l’enfant, que « tout est dit », si l’on en juge par l’énorme richesse, ou, comme certains le pensent, l’énorme fatras publié à propos de l’enfant. Est-il donc nécessaire d’en écrire encore…?

La pensée de Maria Montessori, quand on a eu la chance de pouvoir l’étudier, l’expérimenter, la traduire en langage de notre époque, apporte, nous semble-t-il, un fil conducteur continu, une lumière calme et réconfortante, soleil à côté des éclairs spasmodiques et souvent inquiétants qui précèdent d’habitude l’orage, projetés au hasard des courants psychologiques ; un amour respectueux du côté de la vie à côté de recettes qui la font supporter ; enfin, surtout un bon sens si solide et si constructeur que l’on ne peut se refuser d’en faire profiter ceux qui sont en recherche.

Connaître les étapes de la croissance de l’enfant

N’est-ce pas là une clé du problème ? Un enfant de six mois ne se traite pas comme un enfant de quelques jours, et encore moins comme un enfant de trois ans. Savoir et sentir profondément que cette croissance se fait dans le sens de la finalité à atteindre, non pas au hasard de la chance, mais suivant des lois précises qui, si elles ne sont pas respectées, occasionnent des déviations importantes.

L’enfant acquiert le mouvement, la marche, le langage, l’ordre, s’il trouve dans l’ambiance qui l’entoure, au moment voulu, une aide et un stimulant. Comment pouvons-nous être une aide dans ce mouvement vers le « Plus être », dont parle TEILHARD DE CHARDIN ?

Si l’enfant de quelques mois qui regarde la bouche de sa mère avec une intensité qui nous frappe, afin d’acquérir le langage, se trouve devant une bouche tendue, aux lèvres crispées par le désir ou le besoin de « faire vite », à cause de la tension nerveuse amenée par un rythme de vie souvent inhumain, cet enfant sera lésé dans un des besoins les plus profonds de son être, puisqu’il cherche à acquérir une des plus grandes caractéristiques de l’homme : « pouvoir  s’exprimer ». Cet enfant criera, manifestera par sa colère ce qu’il ne peut exprimer par des paroles ; il n’est pas compris.

Ceci est valable pour un moment précis de sa croissance ; mais ne faisons pas l’erreur de croire que ce besoin n’évoluera pas, et qu’après l’acquisition du langage syntaxique, il n’aura pas à acquérir encore, au fur et à mesure de son développement et à perfectionner ce langage. 

Observer et situer l’enfant

Situer l’enfant par rapport à ces lois de croissance et dans l’optique de sa finalité, n’est-ce pas là l’essentiel de ce que Maria Montessori nous apporte ?
Vingt-cinq ans d’observations faites en milieu d’enfants ni privilégiés, ni handicapés, de milieux absolument divers m’obligent à penser que Maria Montessori nous ouvre une voie très sûre, où nous devons avancer, chacun selon notre personnalité, découvrant petit à petit, sans brûler les étapes, ce qui peut rendre les enfants heureux.

A la poursuite du bonheur

Car ce n’est que dans la poursuite de notre finalité que nous pouvons trouver un bonheur vrai, et ce bonheur nous savons qu’il n’est jamais atteint une fois pour toutes : il est une marche en avant. 

Les lois de la croissance de l’enfant selon Maria Montessori

Cet article a été publié originellement par Jeannette Toulemonde et le comité de rédaction – Fonds documentaire du Centre Nascita Montessori du Nord-L’Enfant et la Vie, Juin 1972. 

Qui est Maria Montessori ? Une femme parmi d’autres, au grand cœur, qui s’est penchée sur le problème de l’enfance. Voici un peu l’image d’Epinal de Maria Montessori à laquelle succède immédiatement une autre pensée : ils sont nombreux les hommes et les femmes de grand cœur qui se sont penchés sur le problème de l’enfance depuis Fénelon et Rousseau. Le nombre de ces grands esprits qui se sont intéressés à l’éducation n’a cessé de croître, et à ces esprits se sont joints tous ceux qui ont présidé à l’élaboration de ‘méthodes’, c’est-à-dire d’un ensemble de règles sur lesquels repose l’enseignement. En quoi l’œuvre de Maria Montessori comporte-t-elle quelques caractères qui la fait se distinguer des autres ?

L’éducation implique l’étude de la vie

Le chemin pris par Maria Montessori est proche du biologiste : l’éducation implique l’étude de la vie. Ce chemin consiste à créer autour du sujet que l’on veut étudier, les conditions optimales favorables à la manifestation des caractères réels du comportement naturel. Il nous faut étudier le fonctionnement spécifique de l’intelligence de l’enfant et ensuite les étapes de croissance, base évidente du travail sur l’enfant.
Il est facile de saisir qu’un être vivant, mis dans une ambiance qui lui est favorable, donnera des signes caractéristiques d’une vitalité qui échapperait ou qui serait complètement caché dans un milieu qui ne lui permettrait pas de se révéler, ou qui même, serait créateur par phénomène de self défense, de caractères parfois opposés ; caractères qu’il faudrait interpréter à leur juste valeur. N’est-ce pas le cas, par exemple, des manifestations de tendances de la jeunesse actuelle qui ne sont que des réactions, peut être anarchiques, dues à des conditions non conformes aux lois de la croissance de l’être ?

Pas de « remède » éducatif spécifique

Pierre Lecomte du Nouy (contemporain de Maria Montessori, mathématicien, biophysicien, philosophe et écrivain), exprime son désespoir en ce qui concerne les phénomènes de la psychologie humaine. Jamais, dit-il, en en effet, on ne pourra mettre sous le scalpel un fait psychologique. Mais Teilhard de Chardin (contemporain de Maria Montessori, scientifique, paléontologue, auteur) apporte sa pierre à l’édifice quand il formule le principe suivant : « C’est une œuvre reconnue en sciences, que la ‘réalité’ d’un objet, -même directement insaisissable, une masse atomique par exemple), que de pouvoir être décelé, toujours le même, par une série de méthodes différentes. Cette pleine convenance de quelque-chose d’identique à un groupe varié d’expériences, circonscrit aussi sûrement un ‘noyau’ naturel’, que le toucher ou la vie ».
Il est courant de reprocher à Maria Montessori le manque de spécificité des remèdes qu’elle propose au plan éducatif, les méthodes ayant en général leur petite bouteille de médicament pour chaque cas en particulier. Il existe des détracteurs forcenés de la pensée de Maria Montessori qui ignorent les fondements même de cette pensée.
La pensée de Maria Montessori nous a révélé des valeurs universelles qui trouvent leur justification dans le terme d’universelle convenance, cité ci-dessus par Teilhard de Chardin. Mais attention, ‘universelle convenance’ ne veut pas dire attitude unique envers tous les enfants, sans tenir compte de leur âge, par exemple.
Si l’on se plait à souligner que l’attitude universelle convenable, qui se dégage de la pensée Montessorienne est le respect de l’enfant ce respect doit être très nuancé, c’est-à-dire revêtir de formes diverses suivant l’âge de l’enfant intéressé. Il s’agira toujours de respect, mais de respect des besoins psychologiques réels, et non d’un respect qui confine au laxisme

Le fonctionnement spécifique de l’intelligence de l’enfant

Le travail de l’enfant est unique, inconscient ; c’est pour cela que l’adulte ne peut avoir aucun souvenir de ce travail, et qu’il ne peut, par conséquent, pas l’identifier. Dès sa conception, l’enfant possède en lui toute la puissance qui lui fera réaliser l’homme qu’il doit être. …/…
Nous savons qu’au plan biologique rien ne lui sera ajouté à partir du moment où conçu, il va se développer. Ce qu’il contient est à la fois physique et psychique, à la fois physique et spirituel…/…
Si les étapes physiques sont remarquables, combien plus remarquables sont les étapes psychologiques. Lorsque l’on cherche à cerner la vie, lorsque l’on se pose la seule question importante : qu’est-ce que la vie ? On est immanquablement amené à se rendre compte qu’il faut aller vers des critères essentiellement spirituels pour la cerner.
La vie n’est certainement pas seulement respiration et reproduction cellulaire…/… La vie est conscience. Et même… Cette fleur de la conscience que l’on appelle le psychisme. 

Comment expliquer la mise en œuvre du psychisme ?

Comment nous représenter cette création ? Certainement pas ‘ex nihilo’. Nous pouvons observer que la croissance de l’enfant suit un plan préétabli. Les phénomènes ne se succèdent pas au hasard, mais au contraire avec une rigueur absolue ; et l’esprit de l’homme est tellement convaincu par l’expérience de la valeur de ces étapes de croissance que, si par hasard l’un de celles-ci vient à manquer, il en conclue à une maladie. 

Prenons un exemple : celui de la création du langage. Ce que nous savons c’est que quelle que soit la nature du langage maternel, il sera acquis à deux ans. Simple ou complexe, l’enfant de deux ans parlera son langage maternel. Il y a déjà là quelque-chose qui échappe à un raisonnement purement humain.
Petit à petit se concentrant, se différenciant, se transmutant, cette énergie psychique initiale devient langage et langage parfait : le langage maternel. N’allons pas croire qu’il s’agit de quelque-chose d’analogue à une transformation chimique pure. En effet au sein de cette matière psychique existe une sensibilité correspondant curieusement à la sensibilité de sa mère au même moment et c’est cette sensibilité qui est le facteur central et essentiel de cette ‘nébuleuse’ psychique. Ne pensons pas, non plus, à une forme d’égoïsme à deux : la mère et l’enfant. Mais sachons reconnaître que si toute cette nébuleuse psychique était coupée de la vie, il y aurait peut-être un admirable développement, mais non intégré à la vie. Un peu quelque chose comme un développement in vitro. C’est parce que, par des liens mystérieux, cet admirable échange de sensibilité réciproque est relié à la vie que se produit ce phénomène ineffable de création de quelque-chose de parfait, que nous ne devons pas confondre avec son développement ultérieur. Coupé de la vie, il n’a plus de sens ; privé de la réciprocité d’affection, il se bloque, il ne se développe pas. Il reste inerte jusqu’à entrainer la mort. 

Nous pensons alors qu’il est logique d’extrapoler un tel processus de création aux différentes phases successives par lesquelles devra passer l’homme pour atteindre sa stature définitive :
1 -D’abord exister
2 – Création de l’Homme moral
3 – Création de l’Homme social
4 – Création de l’Homme politique.

C’est cette totalisation d’hommes qui crée l’Homme.

La vie de Maria Montessori

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L’enfant n’est pas un vase que l’on remplit, mais une source que l’on laisse jaillir.

Maria Montessori

La vie de Maria Montessori est un chemin qui, par d’étroits défilés, débouche soudain sur l’horizon, chaque pas préparant le suivant.

Edwing Mortimer Standing, Maria Montessori, sa vie, son œuvre, Desclée de Brouwer (traduction et adaptation par Paule Escudier)

Qui est Maria Montessori ?

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Maria Montessori a consacré sa vie à l’être humain.

Son choix de devenir médecin sera déterminant dans la grande mission de sa vie. Elle est parvenue à forcer les portes de l’univers secret de l’enfance.

Elle a étudié le développement physique et psychique de l’enfant dès sa naissance. Ses nombreuses conférences seront un stimulant spirituel et permettront l’émergence d’écoles toujours plus nombreuses dans le monde entier.

Maria Montessori est née le 31 août 1870 en Italie à Chiaravalle près d’Ancôna. Elle est issue d’une famille bourgeoise. Ses parents se marient en 1866. Son père Alessandro Montessori est un homme sévère et rigoureux, sa mère Renilde Stoppani défend ses aspirations libérales : très cultivée, elle se montre ouverte aux idées nouvelles. Elle sera très proche de sa fille et respectera sa liberté.

La famille de Maria déménage à Rome en 1875, elle y suivra des études élémentaires de 1876 à 1882. Elle montre très tôt un grand intérêt pour les mathématiques et souhaite devenir ingénieur. Elle est alors confrontée au désaccord de son père qui envisage pour elle une carrière d’enseignante.

Soutenue par sa mère, Maria s’inscrit en 1883 dans un collège technique pour garçons. À 13 ans, elle doit déjà faire face aux limites sociales et culturelles proposées aux femmes à cette époque.

Maria Montessori souhaite devenir médecin, mais face à l’hostilité de son entourage et soutenue seulement par sa mère, elle opte dans un premier temps pour la faculté des sciences, plus tard, sa ténacité lui ouvrira enfin les portes de la faculté de médecine et de chirurgie à Rome.

Étudiante brillante, elle s’attire rapidement la sympathie de certains de ses professeurs, et ce malgré une hostilité récurrente et la résistance masculine du monde universitaire face à une présence féminine. Maria se heurtera à bien d’autres difficultés que l’animosité des étudiants.

À cette époque il est impensable qu’une jeune fille dissèque des cadavres en présence d’hommes. Elle n’aura ainsi d’autres possibilité que de pratiquer ses dissections seule et souvent de nuit.

En 1896, elle soutient sa thèse de doctorat. Celle-ci porte sur un sujet de psychiatrie (il s’agit d’une étude clinique sur les « hallucinations antagonistes »), elle est encouragée par le directeur de la clinique psychiatrique de l’université de Rome.

Maria Montessori devient alors une des premières femmes médecin d’Italie. Pendant 10 ans, elle s’investira sans relâche, tant sur le plan professionnel que personnel, en faveur des personnes en marge de la société traditionnelle.

Elle milite activement pour la défense et la reconnaissance des droits des femmes et des enfants déficients mentaux.

Très rapidement, elle s’intéresse aux questions de société et en particulier au rôle des femmes dans la société. En 1896 elle se présente comme émissaire des femmes italiennes au Congrès des femmes à Berlin. Elle poursuivra son engagement militant et social au congrès de Londres en 1899. Elle réalise ainsi plusieurs interventions pour l’émancipation des femmes et revendique des conditions de travail plus humaines.

À Rome, Maria Montessori poursuit ses recherches au sein d’une équipe qui comprend des médecins, des savants et des chercheurs. Elle étudie le comportement des enfants déficients mentaux en effectuant des stages dans des services de médecine infantile. Tout en poursuivant ses activités, elle ouvre un cabinet privé.

Le début des travaux sur l’éducation

Elle s’inspire des travaux de Jean-Marc Gaspard Itard et Edouard Seguin, qui ont élaboré des méthodes éducatives spéciales pour les enfants déficients et ont conçu une nouvelle approche de la maladie mentale. Maria en vient à la conclusion que « l’éducation » est plus bénéfique à ces enfants que les uniques soins médicaux. Seguin est le disciple de Jean Itard qui a recueilli un enfant (le sauvage de l’Aveyron). Cet enfant ne parlait pas et Jean Itard a cherché de quelle manière il pouvait l’aider à acquérir le langage mais sans succès.

Par la suite, Maria Montessori entame une réflexion à partir des travaux de Jean Itard et d’Edouard Seguin puis développe du matériel encore utilisé aujourd’hui notamment du matériel de fraction (Edouard Seguin a publié des livres sur l’éducation sensorielle). Après ce travail en psychiatrie Maria devient maître de conférences à l’institut de formation de Rome.

La naissance de Mario

Durant cette période, le 10 mars 1898, elle met au monde un garçon qu’elle prénomme « Mario ». (Il y a des spéculations sur la date de naissance exacte de Mario Montessori, mais, selon Mario lui-même, il serait né le 31 mars 1898).

Mario est le fruit d’une relation entre Maria Montessori et Giuseppe Montesano, médecin chercheur à la clinique psychiatrique et qui poursuit des recherches psychopathologiques. Il était le professeur de psychiatrie de Maria pendant ses études de médecines.

Comme c’est un enfant né hors mariage, la grossesse de Maria est tenue secrète. Le docteur Montesano issu d’une famille riche et doté d’une mère autoritaire n’a jamais épousé Maria Montessori, Mario ne prendra donc pas le nom de son père.

Maria Montessori était une mère célibataire : à cette époque, cela était considéré comme un sacrilège. Selon Mario, seuls les parents de Maria et quelques amis proches et associés étaient au courant de son existence. 

Maria dut céder à leurs pressions et renvoyer Mario dans une famille à la campagne près de Rome. Il grandira là-bas, élevé par une nourrice, et ce n’est qu’à l’adolescence qu’il pourra vivre avec sa mère. Maria Montessori vivra cette séparation comme une déchirure, même si elle rend parfois visite à son enfant.

Entre 1899 et 1901, Maria participe au congrès pédagogique à Turin et donne une série de conférences à Rome.

Poursuite des recherches sur l’éducation

Par la suite, elle devient directrice de l’école d’Etat d’orthophrénie. Dans cette école elle sera amenée à travailler avec des enfants déficients qualifiés de « fous » ou de « débiles ». Au fil du temps, Maria Montessori se rend compte que ces enfants apprennent comme tous les enfants.

Elle va alors les observer, réfléchir et commencer à développer un matériel spécifique adapté à la manipulation. Ces enfants vont apprendre à lire et à écrire, et leur travail leur permettra d’obtenir avec brio le certificat d’études.

Dans le même temps, Maria Montessori entreprend des études d’anthropologie qui la conduisent à une chaire d’enseignement d’anthropologie pédagogique à l’université de Rome.

A partir de 1906, elle s’occupe d’enfants normaux d’âge préscolaire, pour lesquelles elle va créer sa méthode pédagogique.

En 1907, à une époque où les ouvriers travaillent dans des conditions difficiles, leurs enfants qui vivent là ne savent quoi faire, désœuvrés ils détruisent ce qui les entoure.

Maria Montessori a entendu parler de ces enfants pour qui l’on cherche un système d’accueil, elle décide alors de s’en occuper. La même année elle ouvre à San Lorenzo à Rome la première maison des enfants « la casa dei Bambini » qui accueille des jeunes enfants. Elle profite de cette expérience pour élaborer et mettre en place du matériel pédagogique dont les enfants peuvent se servir.

Ces derniers vont rapidement investir et s’approprier l’utilisation de ce matériel. C’est un succès.

Dès le début, Maria Montessori a considéré que les enfants qui méritent l’amour. Pour l’aider, elle ne voulait pas d’un personnel qualifié, elle travaillait avec une assistante sans formation, qui avait pour consigne de ne pas déranger les enfants qui travaillaient et étaient concentrés.

La pédagogie scientifique, les États-Unis

En 1909, en Italie, Maria Montessori donne le premier cours de formation à sa pédagogie auquel participe une centaine d’enseignants. Elle publie également le tome 1 de La Pédagogie scientifique, ouvrage dans lequel elle explique sa méthode et ses origines.

Entre 1910 et 1912 les première écoles Montessori ouvrent aux Etats Unis, à Paris, à Boston.

Elle publie en 1913 le second tome de La Pédagogie scientifique.

Entre 1913 et 1918, Maria Montessori donne plusieurs cours de formation à sa pédagogie, soutenue par le comité Montessori des Etats-Unis.

En 1913 elle effectue son premier voyage aux USA. C’est aussi la création de la « Montessori Educational Association » avec Graham Bell, son épouse et la fille du Président Wilson. Ouverture à Paris d’une école Montessori.

En 1915 : Elle retourne aux USA.

En 1916 : Installation à Barcelone à l’invitation du gouvernement de la ville, ouverture d’un Centre de Formation et d’une école modèle.

Durant cette période elle est accompagnée par son fils Mario. Ce voyage a probablement marqué le début d’une association de longue date entre la mère et le fils tant sur le plan personnel que sur le plan du travail. Dès lors Mario Montessori ne cessera de promouvoir les principes et la pratique de la pédagogie Montessori. Il a commencé à l’accompagner dans toutes ses tournées et l’a aidée dans la conduite de ses cours. Ensemble, ils ont créé l’Association Montessori Internationale en tant qu’organe de tutelle chargé de superviser les activités des écoles.  Ce travail s’étendait partout dans le monde et comprenait la supervision de la formation des enseignants. 

En 1920 : Conférences à l’université d’Amsterdam (pour la première fois, Maria Montessori dévoile les grandes lignes sur l’éducation secondaire).

En 1921 : Ouverture du premier Congrès international de l’Education Nouvelle.

En 1924 : Maria Montessori rencontre Benito Mussolini.

En 1926 : Visite en Argentine puis discours sur « éducation et paix » à la Ligue des Nations à Genève.

En 1927 : Présentation à la cour anglaise.

En 1929 : Création de l’AMI (Association Montessori Internationale) en association avec Mario, à Berlin.

Avec la création de l’AMI, les activités du mouvement Montessori s’organisent davantage.

Instabilité politique et entre-deux-guerres

Les années 30 et leur environnement historique marqué par l’instabilité vont marquer un coup d’arrêt dans la diffusion de la pédagogie Montessori.

En 1930, lors d’une conférence à Vienne, Maria fait la connaissance d’Anna Freud. Elle participe au Congrès de l’Éducation Nouvelle et donne un cours Montessori à Nice.

En 1931, elle donne des conférences à l’université de Berlin et à la Sorbonne. le Mahatma Gandhi vient à Rome et y visite les écoles Montessori.

En 1933, l’arrivée des nazis provoque la fermeture des écoles Montessori en Allemagne.

En 1934, la même chose se produit en Italie, alors que quelques années auparavant Mussolini s’affichait auprès de Maria Montessori.

En 1935, l’association Montessori International (AMI) s’installe à Amsterdam.

En 1936, lors du 5ème Congrès Montessori à Oxford, Maria parle pour la première fois de l’éducation cosmique. Elle s’installe aux Pays-Bas suite au coup d’Etat et au début de la guerre civile en Espagne.

En 1938, lors d’une conférence à La Sorbonne, elle fait un de ses nombreux appels à la paix.

En 1939, elle se rend en Inde avec son fils. Elle dispense des cours de formation à Madras auprès de plus de 300 étudiants. Mais quelques mois après, l’entrée de l’Italie dans la guerre au côté de l’Allemagne, qui marque le début de la deuxième guerre mondiale, a pour conséquence que Maria, en tant que ressortissante italienne, est privée de déplacements : elle sera assignée à résidence en Inde jusqu’en 1945. Elle fonde alors plusieurs petites écoles pour les enfants de 3 à 12 ans et c’est là qu’elle étudie les grands principes de la pédagogie des 6 – 12 ans.

Durant cette période et avec la collaboration de son fils Mario, elle développe le concept et les grandes idées de « l’éducation cosmique ». Pour l’essentiel, ce concept est de donner l’univers à l’enfant dans sa globalité avec comme cadre l’organisation de l’esprit. C’est regarder l’univers comme un cosmos en ordre et en harmonie ou tout est en lien avec tout.

L’après guerre

En 1945, Maria Montessori revient en Europe et dirige, en 1946, un cours de formation à Londres.

En 1947, à la demande du nouveau gouvernement, c’est la réouverture des établissements Montessori en Italie. Maria accentue son travail sur les 0-3 ans.

En 1948, elle retourne en Inde pour des cours de formation et des conférences.

En 1949, Maria Montessori publie L’Esprit absorbant de l’enfant dans lequel elle transmet son approche spirituelle et philosophique de l’enfant.

En 1950, lors d’une conférence à Pérugia en Italie, Maria Montessori présente un premier schéma correspondant aux 4 plans de développement.

Jusqu’au bout, Maria continuera à voyager à travers le monde pour faire connaitre et divulguer sa méthode d’enseignement, avec Mario comme compagnon constant. Ils ont donné des cours et organisé des conférences à Londres, en Écosse, à Rome, à Berlin, à Ceylan, en Inde, au Pakistan, aux Pays-Bas et en France.

Maria décède le 6 mai 1952 à Noordwijk aan Zee, aux Pays Bas. Elle est alors âgée de 82 ans, citoyenne d’honneur de nombreuses villes et décorée de la légion d’honneur.

Après le décès de Maria Montessori, Mario a poursuivi son travail de diffusion, œuvrant pour le mouvement Montessori. Il continuera activement à diriger les cours de formation.

La pédagogie Montessori a suscité l’enthousiasme de milliers d’enseignants dans le monde, entraînant la création de nombreuses écoles maternelles et primaires, collèges et lycées.

Ainsi le nom de Maria Montessori est-il toujours plus vivant aujourd’hui.

Bibliographie

Maria Montessori, L’Enfant est l’avenir de l’homme, Desclée de Brouwer
Edwing Mortimer Standing, Maria Montessori, sa vie, son œuvre, Desclée de Brouwer (traduction et adaptation par Paule Escudier)
Maria Montessori, De l’enfant à l’adolescent, Desclée de Brouwer
Maria Montessori, L’Esprit absorbant, Desclée de Brouwer
Maria Montessori, L’Éducation et la paix, Desclée de Brouwer
Maria Montessori, Pédagogie scientifique, tomes 1 & 2, Desclée de Brouwer