Montessori et les neurosciences de l’éducation

Près de 120 ans après sa mise au point, l’éducation Montessori est confirmée par les neurosciences.

L’éducation Montessori a été mise au point par Maria Montessori à partir de 1907 dans sa première Maison des Enfants située Via Dei Marsi dans le quartier déshérité de San Lorenzo à Rome.

En tant que scientifique, la doctoresse Maria Montessori a toujours pris soin d’intervenir en suivant une méthode scientifique, faite d’hypothèses, de tests, d’observation et d’adaptations. C’est d’ailleurs un des fondements de sa méthode.

Mais qui aurait plus croire que 100 après, l’essentiel de ses intuitions se trouverait confirmé par les neurosciences ? Chaque jour qui passe apporte une preuve de plus de la justesse des intuitions de Maria Montessori.

Pour autant, le sujet des neurosciences de l’éducation est parfois assez ardu. J’ai eu la chance d’assister à une conférence de vulgarisation donnée par la journaliste et productrice de télévision Cathy Rogers à l’occasion de la sortie de son livre Educational Neurosciences (disponible uniquement en anglais à ce jour) lors de l’Assemblée Générale de l’Association Montessori Internationale à Delft en avril 2023, que je vais partager avec vous dans cet article.

Réexaminer le rôle et le fonctionnement du cerveau

Cathy Rogers commence par expliquer le fonctionnement du cerveau et le rôle de l’éducateur : le rôle de l’éducateur est fondamentalement d’altérer le fonctionnement électrique et chimique du cerveau de l’enfant. Pourquoi ? Parce que le cerveau est fondamentalement fait pour :

  • coordonner les sens pour produire le mouvement (et pas pour penser comment on sera tenté de le croire)
  • prendre soin du corps, pour nous garder en vie et ensuite seulement de mettre en oeuvre des réponses aux stimuli externes
  • par la suite uniquement pour nous faire ressentir des émotions, d’interagir puis de penser et d’apprendre.

Pour rappel le cervelet ne s’intéresse qu’au mouvement, et c’est là où se concentrent 80% des neurones !

De son côté Maria Montessori disait elle-même que le mouvement est fondamental, puisqu’il est le reflet de la construction du cerveau.

D’abord le mouvement, ensuite les émotions

Au-delà du mouvement qui est donc l’étage « fondateur » du fonctionnement du cerveau, on trouve les émotions : émotions et raison sont interconnectées, contrairement au vieux mythe tenace du cerveau « émotionnel » déconnecté du cerveau « rationnel » dédié aux pensées. Or comment se construisent les émotions ? Nous bâtissons nos émotions directement à partir de nos expériences dans notre environnement : nos émotions sont construites, acquisses et non pas innées. Donc chaque personne connait des émotions différentes par rapport à une autre personne.

Le secret du « mindset »

Et c’est comme cela que l’on peut expliquer simplement des « mindsets » différents, selon les expériences que les personnes vivent.

Par exemple le mindset de la rareté en Argentine qui s’est développé suite aux années d’hyperinflation. Et cela est une explication autrement plus convaincante que les préjugés sur le supposé « niveau intellectuel inférieur » de certaines populations.

Autre exemple au sujet du stress lors des examens : les hormones du stress peuvent réduire fortement la capacité à penser du cerveau qui se met en mode « survie », mais aussi l’accès aux connaissances elles-mêmes (les connaissances sont toujours là mais l’accès est bloqué). Qui n’a jamais eu ce sentiment de « perdre des moyens » ?

Une conséquence immédiate sur les processus d’apprentissage : si un enfant n’a pas d’intérêt pour un apprentissage donné, il n’aura pas de mémoire de cet apprentissage.

Les émotions sont centrales dans les processus d’apprentissage, et la motivation agit comme un super-pouvoir.

Reprenons : le cerveau est configuré pour apprendre de son environnement (via les sens) et des émotions, donc pour apprendre va les échanges avec les pairs. On peut donc dire que l’apprentissage social est un apprentissage double. Par exemple, apprendre de ses erreurs signifie apprendre de l’erreur elle-même mais aussi de la réaction de son entourage aux erreurs. Qui n’a pas noté à quel point la réaction des parents à nos erreurs d’enfant venait impacter notre manière d’apprendre, même à l’âge adulte ?

Et par conséquent, le sentiment d’appartenance se manifeste quand le cerveau « social » et le cerveau « émotionnel » sont connectés.

L’abstraction se construit à partir des expériences concrètes

Continuons notre raisonnement : la pensée est faite de sensations, d’émotions, d’interactions, qui graduellement construisent les concepts plus abstraits. L’abstraction est vraiment construite à partir du concret.

Et la concentration est un outil pour diriger notre attention, et filtrer les informations utiles qui nous parviennent de notre environnement , car le cerveau de son côté, fait en permanence et enregistre sans cesse tout ce qui se passe dans son environnement.

Le cerveau est toujours en éveil, il ne s’arrête jamais. C’est d’ailleurs un autre mythe tenace à déconstruire au sujet du cerveau : vous savez, celui comme quoi nous n’utiliserions que 10% de notre cerveau. Il y a d’ailleurs eu un film à ce sujet en 2014 (« Lucy » de Luc Besson, avec Scarlett Johansson dans le rôle-titre).

Le cerveau est toujours 100% actif

En fait, nous utilisons constamment 100% de notre cerveau. Il n’y a pas de « mémoire disque » comme dans une conception un peu datée des ordinateurs. La mémoire est dynamique : elle est une reconstruction active des expériences passées qui utilise les même connexions neurones que ceux utilisées dans l’expérience de départ. Ce vieux mythe est fondé sur une analogie avec les ordinateurs, leurs disques durs et les processeurs qui vont vite.

Or notre cerveau fonctionne totalement différemment, il passe par le corps. Notre cerveau construit le monde que nous voyons et s’appuie sur nos expériences avec notre environnement, de manière à pouvoir bâtir des routines et pouvoir par la suite prédire des comportements appropriés par le fait de rendre ces routines comme « automatisées ». Pour pouvoir y consacrer moins d’efforts et se consacrer à d’autres choses, d’autres découvertes, d’autres interactions.

Le rôle fondamental de l’erreur

C’est ce qui rend l’erreur si importante : l’erreur permet au cerveau d’optimiser ses prédictions pour la fois suivante.

Sans plasticité du cerveau, il n’y a pas d’apprentissage possible : on pourrait résumer l’apprentissage au fait de modifier les connexions neuronales. Or le cerveau des enfants est spécialement plastique, d’où l’importance de créer le meilleur environnement d’apprentissage possible, qui favorisera la concentration et la motivation.

Montessori s’appuie sur le fonctionnement du cerveau humain

Voila donc la clé de l’efficacité des environnement d’apprentissage de l’éducation Montessori. Grâce à leurs caractéristiques :

  • les activités auto-correctives
  • la beauté qui attire et motive les enfants
  • la répétition
  • la concentration qui est favorisée
  • et l’enchaînement logique des activités, qui fait que le succès est un catalyseur pour explorer davantage.

Les environnements préparés de l’éducation sont directement reliés au fonctionnement du cerveau de l’enfant.

Plus que jamais, Montessori est une « psycho-éducation ».