Le concept de « parent- chercheur » chez Montessori

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Lorsque je rendais public ce terme de « Parent-chercheur’ en 2003, de nombreuses personnes s’enthousiasmèrent, apportant chacune leur définition.

J’accueillais tout cela, tout en pressentant que dans ce « contenant » se trouvait un apport très spécifique pour servir la mission de parent.

Cela m’amena à déchiffrer mon intuition et à la confronter au sein d’un réseau de parents avec lequel j’entamais une forme de recherche appliquée.

C’est ainsi que je bâtissais pas à pas les Ateliers Parent-Chercheur®, une démarche pédagogique où l’on apprend à vivre l’éducation, l’esprit libéré de croyances erronées sur le développement des enfants, à travers un parcours balisé on s’exerce à prendre en considération les conditions favorisant le développement du potentiel de l’enfant et à activer ses ressources parentales enfouies.

Le concept de Parent-Chercheur

Le concept de Parent-Chercheur s’est naturellement enraciné dans l’œuvre.

En effet, parmi la multitude de propositions éducatives passionnantes que je fréquentais en tant que parent, éducatrice, puis rédactrice en chef de L’enfant et la Vie à l’époque, c’est l’apport de Maria Montessori pour les sciences de l’éducation qui me saisit particulièrement jusqu’à en faire celle qui deviendrait ma référence première et l’objet de toutes mes attentions.

Montessori que je découvrais en 1988, année de la naissance de mon premier enfant, grâce à mon engagement dans un centre Nascita.

Il faut savoir que le premier centre Nascita fut créé à Rome dans les années 50 selon le souhait de Maria Montessori. Celui du nord fut fondé par Jacques et Jeannette Toulemonde, à l’école de qui je suis allée durant vingt années.

Ceux-ci étaient allés à l’école de Michel et Fanny Lanternier formés directement par Maria Montessori et son fils Mario ; les deux couples étaient aussi amis et proches du mouvement Montessori en France. Je bénéficiais donc de cette histoire transmise génération après génération. 

Enfant explorateur cherche parent chercheur

Le parent qui se fait chercheur en éducation vit l’esprit ouvert sur la vie. Cette attention envers le « vivant » quels que soient les époques et leurs défis, rejoint précisément l’attente de l’explorateur né qu’est l’enfant à la conquête du monde, non pour le posséder mais pour y vivre à l’aise.

Plutôt qu’un mur de béton ou de coton qui le blesse, Il trouve auprès du parent chercheur un espace où se reposer, se réparer, s’opposer, donner du sens à son existence au fil de ses expériences. Il aime ressentir qu’il est accueilli dans son besoin puissant de gagner son autonomie par lui-même, qu’il est vu dans sa singularité, qu’il est pris au sérieux dans les petites et grandes choses qui font sa vie.

Avec ces adultes-là, il a le plein droit d’être en formation, de naître à lui-même au pas à pas. Il se prépare alors secrètement, lentement, à révéler et à assumer la personne unique qu’il devient

Quelques aptitudes du parent chercheur

L’art de l’observation

La première aptitude consiste à apprendre l’art de l’observation, Maria Montessori en dit l’enjeu quand elle écrit :

Il est fréquent qu’un fait insignifiant puisse nous ouvrir des horizons illimités, parce que l’homme est un chercheur par nature, mais si ces faits insignifiants ne sont ni découverts, ni enregistrés, alors le progrès n’est pas possible.

Dans cet exercice, la pensée est non jugeante, bienveillante, l’attention est totale, et le regard posé sur l’enfant laisse transparaitre cet état intérieur. Il s’agit de lâcher prise sur ce que l’on croit savoir, ou souhaite, pour s’exercer à ne rien faire (sauf bon sens), tel le chercheur à l’affut de petits signes du réel qui lui indiquent le chemin.

Cette non-action n’a rien à voir avec ce que l’on pourrait prendre pour de la passivité. Au contraire, elle est le résultat d’une décision volontaire et courageuse.

C’est un geste profondément éducatif et très dynamique qui amène à découvrir du neuf, à faire des hypothèses (avec d’autres si possible), à mettre du sens à ce que l’enfant manifeste de lui-même, qu’il ait ou non les mots.

Cette mise en œuvre conduit à moins d’interruptions intempestives tellement frustrantes pour l’enfant concentré dans une activité choisie librement.

Elle favorise un accompagnement au plus près de l’élan de vie de l’enfant. Elle conduit à l’émerveillement lorsque l’observateur prend conscience qu’il est témoin de l’humanité en construction.

Repérer le changement

Dans la seconde habileté il s’agit de repérer les étapes de changement par lesquelles passe tout enfant qui nait et qu’il traverse au fil des quelque vingt-quatre années dédiées à sa formation humaine.

De l’embryon psychique à la naissance, à l’homme politique engagé librement dans la cité, une fois jeune adulte, cette longue période est faite pour additionner les unes après les autres, toutes les composantes nécessaires à l’établissement d’une personnalité construite.

« Les parents doivent développer leur capacité à reconnaître, observer et agir selon les phénomènes, d’ailleurs très observables, des lois de croissance des enfants », m’écrit Renilde Montessori petite fille de Maria Montessori, pour qui ce sont « des droits de l’homme qui sont communs à l’humanité entière. »

Bien plus qu’un « je sais cela », il s’agit de valider – par l’observation évidemment – cette réalité universelle des lois du développement. Ainsi éclairé l’adulte au côté de l’enfant offre une atmosphère paisible, un matériel choisi qui ouvre l’enfant au monde.

Et surtout il vit un mode de relation en concordance avec le besoin spécifique de l’enfant dans la période qu’il traverse. Reconnaitre l’existence des lois naturelles de développement de l’enfant est un véritable repos pour le parent : il n’est pas chargé d’animer son enfant de l’extérieur, puisque celui-ci se construit par le dedans. 

Accompagner les manifestations sensibles

Le troisième axe de travail auquel s’exerce le parent qui se fait chercheur en éducation, consiste à accompagner les manifestations sensibles qui traversent l’enfant tout au long de sa journée – et parfois de la nuit.

Joie, paix, détente, goût de vivre ou haine, colère, tristesse, sentiment d’injustice, d’humiliation, de dégoût, peurs.., etc.

Cela commence bien souvent par des émotions à accueillir, contenir.

Dans un second temps y mettre des mots, puis chercher à en comprendre la genèse afin d’en faire quelque-chose de constructeur pour lui. Là est la voie privilégiée pour sortir du chaos émotionnel, de l’impulsivité, du bétonnage intérieur. Plus les adultes pratiquent ce champ lexical, plus l’enfant apprend à « se » dire, lui aussi, par imprégnation.

L’enfant, le jeune qui accède à ce qui se passe en lui et le questionne va progressivement se connaitre et conduire sa vie en référence à lui. Il peut aussi par la même occasion se faire connaître aux autres. L’enfant sensible manifeste qu’il est un grand vivant, avec des besoins, des aspirations, des sentiments.

Pourvu qu’il rencontre des adultes en capacité de recevoir tout cela avec bienveillance et un profond respect.

Le parent chercheur ne fait pas l’économie de la fréquentation de son propre monde intérieur s’il veut être au côté de l’enfant dans cette part essentielle de lui.

Autorité et autodiscipline

La quatrième habileté consiste à mettre en place une autorité qui favorise l’autodiscipline, cette capacité à obéir non pas à ses pulsions ou à toute forme de dressage mais à soi-même.

Cette forme d’autorité peut s’appuyer sur ce que Maria Montessori nomme les « tendances humaines ».

C’est un ensemble d’élans internes à l’enfant qui poussent l’enfant à devenir une personne suffisamment responsable d’elle-même pour être à l’aise dans le monde où elle s’engage. Bien souvent, des manques d’attention ou une méconnaissance de ces élans par les adultes, mais aussi happé par « la machinerie médiatique du caprice mondialisé », – telle que la nomme Philippe Meirieu dans son dernier ouvrage, amène l’enfant à manifester des comportements interpellants.

Il exprime ainsi que son développement interne est freiné. C’est alors que se déclenche la guerre entre enfants et adultes ; ils ne se comprennent plus, amenant autoritarisme et laxisme selon les heures et les domaines.

« Vraiment l’obéissance est la dernière phase du développement de l’enfant », rappelle Maria Montessori. En effet dire oui librement à la volonté d’un autre signifie que l’on est passé par soi d’abord.

Deux conditions favorisent cette maturation :  si l’enfant ressent que l’autre veut son bien (Sinon il se soumet ou se révolte, tout le monde en fait l’expérience) et si ce qui lui est demandé est en phase avec son « possible ».

La liberté nait d’actes générateurs d’ordre et  l’exercer  rend profondément heureux, voilà des repères pour le parent chercheur qui est lui aussi témoin de cette aptitude à se référer à lui tout en étant attentif au bien commun. 

Mise en pratique du concept du Parent-Chercheur

J’accueille dans mon groupe d’assistantes maternelles, Maguy, 55 ans et Clarisse 30 ans ; toutes deux ont pour point commun d’être assistantes maternelles depuis trois ans.

L’une est grand-mère et ne connait rien des pédagogies nouvelles, l’autre en connait un rayon et pratique avec enthousiasme.

Au-delà de la différence d’âge et d’expérience, elles ont un autre point commun : le désir de progresser, de mettre du sens à leur pratique malgré les attentes de certains parents qui souhaitent que leurs enfants fassent un maximum d’activités d’éveil.

L’enjeu est grand pour ces enfants qu’elles accueillent parfois jusqu’à quarante heures par semaine. Il n’y a pas d’âge pour vivre cette audace face au changement. 

Ce n’est pas très couteux non plus. Ainsi Justine, qui voit sa fille faire d’incessants aller-retour sur ce tronc d’arbre à la recherche de l’équilibre, lui laisse encore ce petit moment d’intense effort de concentration, plutôt que de précipiter le départ. Elle sait qu’un long trajet en voiture les attend. L’éducateur ou le parent chercheur va dans le sens de la vie.

Ce qui résulte du concept de parent-chercheur

Être parent chercheur n’est pas de tout repos.

Celui-ci dit adieu aux recettes applicables en quelques techniques vite apprises ; il accepte qu’il n’y ait pas LA bonne réponse ; il lâche le « c’était mieux avant’ et choisit de faire confiance à la vie et ses surprises malgré tout.

Il adhère ainsi pleinement aux propos de Maria Montessori pour qui « La seule chose que ne puisse faire la vie c’est de rester stationnaire ».

Il a trouvé une certaine assise intérieure. Il est heureux d’être ce parent-là dans ce monde-là, au côté de ces enfants-là. Libre, ses valeurs profondes et ses intuitions demeurent une référence et une force dans l’adversité et les courants contraires. Son geste éducatif éclairé par l’ensemble des attitudes qu’il s’approprie progressivement, se fait créatif, fécond, souple et heureux, non pas facile pour autant ! C’est pourquoi il ne reste pas seul. 

Dans cet environnement, l’enfant apprend à son tour par osmose à se référer à lui-même. Cela se verra par petites touches jusqu’à ce qu’il affirme sa singularité à son heure ! Le parent chercheur lâche l’horloge du temps et toute comparaison.  

La petite fille de Maria Montessori, Renilde Montessori m’écrivait en 2001 :

Il est très souhaitable de faire du Montessori chez soi en agissant selon les principes de l’éducation comme une aide à la vie qu’est la pédagogie Montessori.

Renilde Montessori

En bâtissant ce concept et ce parcours balisé du « parent-chercheur’, dans une interaction constante entre l’œuvre et le terrain, j’espère y contribuer.