Si un tout-petit pouvait parler…

Cet article est originellement signé d’Ignace Mulliez, membre du comité de rédaction (Extrait du Fonds documentaire du CNMN et de L’Enfant et la Vie – Années 1969 -70- 71). 

Le nouveau-né

Maman vient de me déposer doucement dans mon berceau. J’ouvre les yeux de temps en temps et je peux voir tout ce qui se passe… C’est fort nouveau et donc très intéressant…

Après mon petit corps, c’est maintenant, mon esprit que je dois construire. Pour cela, j’ai besoin de liberté pour mes yeux et mes oreilles. Et même pour mes bras et jambes. Beaucoup de mes malheureux collèges de promo sont coincés au plus profond d’un berceau aux parois hautes et aveugles… Devront-ils attendre 5 ou 6 mois pour sortir de cette prison et savoir ce qui se passe ? C’est bien simple, leur esprit n’est nourri que des bruits qui leur parviennent, d’ailleurs mal : ils y répondent naturellement en criant comme des lycéens, autant pour se distraire que pour obtenir des sorties temporaires accompagnées, bien-sûr de gronderies désagréables.

J’ai un berceau ‘panoramique’… Merci et bravo maman. Tu seras d’ailleurs plus tranquille car j’y reste plus volontiers même quand je ne dors pas.
Cette lumière qui remplit mes yeux, c’est plutôt brutal ; maman clôt légèrement les rideaux bleus, pour que je puisse ouvrir mes yeux plus grands.

Tout m’amuse et je gazouille en digérant mon dernier casse-croûte et en attendant le suivant. Alors, tandis que je tête, maman me dit des tas de mots jolis qui sont pour moi l’aide la plus précieuse que l’on peut me donner pour que je construise mon langage. 

J’ai quinze mois ou guère plus

Des mots, j’en connais des tas, je les repère au passage lorsque maman les met en phrases.
J’ai ma table de toilette à moi. J’y range mon gant de toilette, bien ajusté à ma main et un peu serré au poignet : je peux ainsi frotter ma frimousse sans qu’il m’échappe quand j’y passe un petit bout de savon.

J’ai mon miroir : c’est utile pour savoir qui on est déjà, et si on est bien peigné ; maman, elle, ne peut y voir que de ses pieds à ses genoux à peu près. Mais elle en a un autre, de son âge où je ne vois rien, sauf quand elle me porte. Je deviens vraiment un peu lourd pour elle. Et moi, cela m’embête d’être porté, j’ai des jambes après tout.

J’ai aussi un vrai verre à dent, une vraie brosse et du dentifrice dont je fais parfois des sottises, mais j’ai tout ce qu’il faut pour nettoyer, lorsque j’ai versé un peu d’eau à terre, j’essuie cela avec ma serpillère. Quand je me rince les dents et que j’avale l’eau elle n’en fait pas un drame. Elle m’explique et je crache gentiment.

Au début, elle m’aide, mais je préfère faire tout seul. Tout ! Etc. etc. etc.

Merci ou « dis merci » ?

« Merci ».

Un petit mot qui sourit quand il est dit tout simplement, avec spontanéité, pour une petite chose. Un petit mot qui chante à l’oreille, et qui sait si bien chanter au cœur quand il exprime un sentiment. Mais s’il faut le quémander, en faire un réflexe conditionné, il perd sa gratuité, et celui qui donne devient celui qui veut recevoir. S’il n’est plus que le vernis d’une politesse il se dessèche et perd son essence. « Oui », c’est un petit mot fragile… 

Une petite fille de 2 ans aidait sa maman avec joie. Elle prenait les objets achetés, les donnait à sa maman qui les donnait à l’épicière, qui en tapait le prix et les mettait dans le sac de la dame. C’était gentil, mais tout allait se gâter lors de la cérémonie du bonbon ; en effet, cette commerçante avait l’habitude d’en donner aux enfants. Elle présenta donc ce bonbon à la fillette qui l’eût pris si la dame ne l’eût tenu fermement entre ses doigts. C’est alors que les : ‘Qu’est-ce qu’on dit ?’ – ‘Dis merci’, apparurent. La petite fille était tiraillée entre le regard foudroyant de sa mère, celui buté de la marchande et ce fameux bonbon.
Et la mère de se lamenter : – « Ah celle-là ! la voilà qui fait sa tête », « Têtue va ».
La petite fille si joyeuse tout à l’heure, avait pris un regard fermé.
Pourquoi ce refus ?
L’enfant était peut-être intimidée… On l’avait mise de mauvaise humeur avec cette insistance. Et, après-tout, lui avait-on dit merci, tout à l’heure quand elle tendait si gentiment les objets à sa maman, Non.
La maman avait l’air désolée : les autres disent merci, pas sa fille et pourtant elle avait le sentiment de l’élever en lui faisant dire merci. Elle l’avait giflée et eue tout à fait bonne conscience de lui avoir donné une bonne leçon. Quant à la marchande, elle avait rangé le bonbon !
La prochaine fois, elle dira merci. Oui, peut-être, mais quel merci ?!

Un enfant peut-il dire merci sans qu’on lui dise « dis merci ! » ?

Je connais un enfant à qui l’on ne dit pas cela et pourtant, il dit « merci » toute la journée ; et chaque « merci » est un petit rayon de soleil pour nous, adultes. Il a presque trois ans. Lorsqu’il commençait à parler, ce fut une découverte. Il sortait la vaisselle de l’armoire tandis que sa maman mettait le couvert. Elle lui disait « merci » pour chaque objet qu’il tendait : Un couteau : « Merci » ; une assiette : « Merci » ; un verre : « Merci.
Le petit inversa les rôles, et dit « merci » en tendant l’objet, par imitation sans doute. Il ne comprenait pas, mais il aimait ce jeu. Il disait : « – Viens, maman, on va dire merci ». Et si le décor changeait, la scène restait immuable.
Petit à petit, le jeu devint plus pensé. Avec intelligence l’enfant n’inversa plus, il tint bien son rôle, puis disait à sa mère : « maman, change, je veux dire « merci ». La maman tendait alors les objets à l’enfant, qui disait : « merci ». Ainsi l’embryon du merci était né. Il restait à passer de ce stade au stade ‘moral’, c’est-à-dire à celui du cœur. Cela se fit doucement, sans bruit ni éclat, comme se font les choses importantes. Seule, la maman fit cette découverte. Personne sans doute ne vit la différence. Mais cette maman là eut la joie de constater, au regard de son enfant, que le vrai merci était bien celui-là. 

Pourquoi l’autre maman n’aurait-elle pas cette joie, elle aussi, avec sa petite fille ?

Bien souvent nous nous privons de choses bien douces. C’est si merveilleux, lorsque l’on sait attendre, de voir une petite violette pousser dans un bois parce qu’elle a tout ce qu’il lui faut. Mais si elle est enfermée dans une serre et que l’on intervient à grand renfort d’engrais, elle poussera, bien-sûr, et même plus vite. Mais aura-t-elle la fraicheur, le parfum, la vigueur de celle des bois ? C’est là toute la différence.
Dans notre cas du « merci », si la maman avait toujours dit « merci » à sa petite fille, il n’y aurait aucune raison pour que sa fille ne le dise pas ; mais elle a brusqué son enfant. Les : « dis merci » sont tel l’engrais. Le merci sera forcé, ‘poussé’, comme l’on dit en culture ou en élevage, et il ne deviendra pas avant longtemps le « merci » du cœur. Il en est ainsi de nos enfants. La scène de l’épicerie, et d’autres aussi peut être, sont gravées dans le cerveau de l’enfant comme le sont toutes nos actions envers lui, plus profondément même, si l’enfant est plus jeune. Soyons le bon terrain des bois. Il est discret, fort, c’est lui qui fait vivre.

Adieu les :« dis merci ».
« Merci », tout court.

Anne Motte, membre du comité de rédaction (Fonds documentaire du CNMN et de L’Enfant et la Vie – Années 1969 -70- 71).

Jeannette Toulemonde – Un mensonge, vraiment ? (1969)

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Cet article a été édité en partenariat avec le Centre Nascita Montessori du Nord et son fonds documentaire.

(Fonds documentaire, EV. 1969 – Extrait ‘Le vrai et le faux’, par Jeannette Toulemonde, fondatrice du CNMN et de L’Enfant et la Vie)

Que faire si nous croyons découvrir un mensonge chez notre enfant ?

« Maman, la maîtresse a dit qu’il fallait apporter un rouleau de scotch… »

Une petite fille demandait ainsi à sa mère tous les jours quelque-chose de nouveau. La maman questionna la maîtresse et apprit que celle-ci n’exigeait rien de tel.

Elle réfléchit à sa propre attitude vis-à-vis de sa fille et reconnut que, si elle était généreuse en jouets, elle n’aimait pas beaucoup lui prêter le contenu de son tiroir : colle, crayons, etc…, ni lui acheter ces objets à la papeterie.

À force d’entendre répondre ‘non’, la petite fille avait trouvé un moyen d’acquérir ces objets, bien plus intéressants pour elle que de des jouets, et bien plus constructifs.

Derrière le ‘mensonge’ de nos enfants, nous pouvons souvent trouver une erreur de notre part. Cette erreur est souvent une trop grande emprise sur lui, qui force l’enfant à employer des moyens détournés pour arriver au but qui lui est fixé intérieurement.

Là encore il s’agit d’une déviation : l’enfant a rencontré un obstacle, il part dans une autre direction. Ne soyons pas un obstacle sur le chemin de nos enfants.

Mais ne prenons pas pour des mensonges toutes leurs paroles qui ne sont pas vraies selon nous.

Le petit enfant est un apprenti.

Son esprit s’exerce, cherche ; il peut lui arriver de se tromper. Ce n’est pas en le reprenant, en le grondant pour un soi-disant mensonge que nous l’aiderons à voir clair.

Aidons-le par une ambiance claire.

À un petit garçon de 4 ans qui dit à ses amis : « mon papa conduit un gros camion », alors que celui-ci est par exemple employé à la mairie, on ne répond pas vilain petit menteur ; car ce n’est pas volontairement qu’il a fait entorse à la réalité.

Une faute inconsciente n’est pas une faute.

Il a pris, comme souvent « ses désirs pour des réalités », c’est si imposant un gros camion ! Et il voulait tant que son papa qu’il aime, puisse avoir le plaisir de le conduire.

L’enfant a toujours une raison.

Cherchons cette raison chaque fois que nous voyons apparaitre un trouble, une déviation. Même si nous n’avons pas trouvé, rendons-lui l’ambiance positive dans laquelle le défaut ne peut pas vivre.

Montessori : de l’importance de l’observation

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Observer est une posture très active qui requiert motivation et volonté, oblige à restreindre notre propension à faire.

Elle nous amène aussi à questionner nos croyances sur l’éducation en général, tout comme nos attentes vis-à-vis de cet enfant en particulier.

Ce regard neutre et bienveillant alimente un besoin essentiel au développement de l’enfant, qui ressent sous ce regard, cette écoute, qu’il peut se montrer tel qu’il est : en construction. C’est également une nécessité pour l’éducateur. En nous rendant à l’école de notre enfant, nous éclairons nos choix éducatifs et pédagogiques, afin de seconder son ‘énergie créatrice’.

À de multiples occasions, nos yeux et oreilles exercés nous rendent témoins des petits miracles d’une vie d’enfant qui cherche à devenir un homme.

Nous voici devenus des « observateurs de l’humanité » !

L’observation de l’autre : un pilier de l’éducation Montessori

J’observe la vie qui m’entoure dans une attention flottante et mon regard s’arrête sur Marguerite, trois ans et demi, qui sort de la salle d’activité et se dirige vers Pablo dont elle est proche, pour lui tendre la main afin de prendre place dans un cercle qui se constitue.

Il ouvre le cercle et l’accueille.

Mais je m’étonne, car la voilà qui refuse de prendre la main tendue d’une autre personne qui s’empresse de l’intégrer à la ronde.

Est-ce parce qu’elle connait moins Maud ou parce que ce n’était pas de son initiative ?

Mon questionnement est de courte durée car à peine deux secondes s’écoulent et voilà Marguerite qui se tourne vers Maud et, et tandis qu’elle hausse les épaules bien haut comme quand on est dépité, et lui dit non de la tête avec vivacité (deux gestes à mimer simultanément pour comprendre la complexité du geste), elle ouvre une main (je n’avais pas vu qu’une des mains était refermée), et lui révèle quelques bricolages qu’elle vient de réaliser et qui y sont déposés.

Un bien précieux qui ne lui permet pas de répondre à l’invitation et d’entrer complètement dans la ronde.

Marguerite donne ainsi à comprendre en silence et de tout son corps, le motif de son refus. Il y a dans ce moment-là, chez cette petite fille une affirmation d’elle-même et une capacité d’attention à l’autre.

Sens moral, sens social et liberté personnelle s’additionnant chez Marguerite, révèlent toute la promesse de son être. Tout cela s’est passé en un bref instant – même pas une minute !

Et faut-il le préciser ? Dans une communication totalement non verbale. Qui l’a vu ? Au moins moi. Pour voir, il s’agit de s’exercer rappelle Maria Montessori. Je ne m’en lasse pas. Cela vaut de l’or tout en étant totalement gratuit.

D’un grand-père à son petit-fils

J’écoute Philippe à l’occasion d’un repas amical où nous sommes placés côte à côte :

« Je ne sais pas pourquoi mais cela passe bien entre mes petits-enfants et moi. On se parle beaucoup, ils me questionnent sur des sujets importants. »

Et la conversation va bon train avec ce papi de 65 ans qui me parle de son histoire d’enfance dans l’est de la France, au cœur d’un village un peu isolé.

Un peu plus tard, dans la conversation, il m’évoque plus précisément les moments vécus avec son grand-père qu’il a toujours connu aveugle et néanmoins bon marcheur. Et il explique comme s’il y était encore, ce qui se passait entre eux :

« Il posait la main sur mon épaule et nous voyagions ainsi ensemble. Que pouvions-nous faire d’autre que parler ! »

Et moi, aussitôt de faire un lien, que je ne puis m’empêcher de lui faire remarquer :

« Philippe, cette belle relation que vous vivez avec vos petits-enfants, je sais d’où elle vient ! »

Toutes générations confondues, le besoin de communication est dans la nature de l’homme et sa mise en œuvre laisse des traces. Philippe en a fait une expérience heureuse et durable.

Cela lui rend plus naturelle l’attitude de présence à ses petits-enfants qui le ressentent bien.

Vivre des relations humaines, comme ce fut le cas lors de ce repas partagé, est une occasion privilégiée de prendre conscience que nos histoires d’hier et d’aujourd’hui sont liées et qu’elles ont beaucoup à nous apprendre.

Tout est dit…

Cet article est originellement signé de Michel et Fanny Lanternier (Fonds documentaire du CNMN– En guise d’éditorial – Années 1969 -70- 71).

Tout est dit, et l’on vient trop tard, depuis qu’il y a des hommes, et qui pensent…

Il semble que l’on pourrait dire à propos de l’enfant, que « tout est dit », si l’on en juge par l’énorme richesse, ou, comme certains le pensent, l’énorme fatras publié à propos de l’enfant. Est-il donc nécessaire d’en écrire encore…?

La pensée de Maria Montessori, quand on a eu la chance de pouvoir l’étudier, l’expérimenter, la traduire en langage de notre époque, apporte, nous semble-t-il, un fil conducteur continu, une lumière calme et réconfortante, soleil à côté des éclairs spasmodiques et souvent inquiétants qui précèdent d’habitude l’orage, projetés au hasard des courants psychologiques ; un amour respectueux du côté de la vie à côté de recettes qui la font supporter ; enfin, surtout un bon sens si solide et si constructeur que l’on ne peut se refuser d’en faire profiter ceux qui sont en recherche.

Connaître les étapes de la croissance de l’enfant

N’est-ce pas là une clé du problème ? Un enfant de six mois ne se traite pas comme un enfant de quelques jours, et encore moins comme un enfant de trois ans. Savoir et sentir profondément que cette croissance se fait dans le sens de la finalité à atteindre, non pas au hasard de la chance, mais suivant des lois précises qui, si elles ne sont pas respectées, occasionnent des déviations importantes.

L’enfant acquiert le mouvement, la marche, le langage, l’ordre, s’il trouve dans l’ambiance qui l’entoure, au moment voulu, une aide et un stimulant. Comment pouvons-nous être une aide dans ce mouvement vers le « Plus être », dont parle TEILHARD DE CHARDIN ?

Si l’enfant de quelques mois qui regarde la bouche de sa mère avec une intensité qui nous frappe, afin d’acquérir le langage, se trouve devant une bouche tendue, aux lèvres crispées par le désir ou le besoin de « faire vite », à cause de la tension nerveuse amenée par un rythme de vie souvent inhumain, cet enfant sera lésé dans un des besoins les plus profonds de son être, puisqu’il cherche à acquérir une des plus grandes caractéristiques de l’homme : « pouvoir  s’exprimer ». Cet enfant criera, manifestera par sa colère ce qu’il ne peut exprimer par des paroles ; il n’est pas compris.

Ceci est valable pour un moment précis de sa croissance ; mais ne faisons pas l’erreur de croire que ce besoin n’évoluera pas, et qu’après l’acquisition du langage syntaxique, il n’aura pas à acquérir encore, au fur et à mesure de son développement et à perfectionner ce langage. 

Observer et situer l’enfant

Situer l’enfant par rapport à ces lois de croissance et dans l’optique de sa finalité, n’est-ce pas là l’essentiel de ce que Maria Montessori nous apporte ?
Vingt-cinq ans d’observations faites en milieu d’enfants ni privilégiés, ni handicapés, de milieux absolument divers m’obligent à penser que Maria Montessori nous ouvre une voie très sûre, où nous devons avancer, chacun selon notre personnalité, découvrant petit à petit, sans brûler les étapes, ce qui peut rendre les enfants heureux.

A la poursuite du bonheur

Car ce n’est que dans la poursuite de notre finalité que nous pouvons trouver un bonheur vrai, et ce bonheur nous savons qu’il n’est jamais atteint une fois pour toutes : il est une marche en avant. 

Les lois de la croissance de l’enfant selon Maria Montessori

Cet article a été publié originellement par Jeannette Toulemonde et le comité de rédaction – Fonds documentaire du Centre Nascita Montessori du Nord-L’Enfant et la Vie, Juin 1972. 

Qui est Maria Montessori ? Une femme parmi d’autres, au grand cœur, qui s’est penchée sur le problème de l’enfance. Voici un peu l’image d’Epinal de Maria Montessori à laquelle succède immédiatement une autre pensée : ils sont nombreux les hommes et les femmes de grand cœur qui se sont penchés sur le problème de l’enfance depuis Fénelon et Rousseau. Le nombre de ces grands esprits qui se sont intéressés à l’éducation n’a cessé de croître, et à ces esprits se sont joints tous ceux qui ont présidé à l’élaboration de ‘méthodes’, c’est-à-dire d’un ensemble de règles sur lesquels repose l’enseignement. En quoi l’œuvre de Maria Montessori comporte-t-elle quelques caractères qui la fait se distinguer des autres ?

L’éducation implique l’étude de la vie

Le chemin pris par Maria Montessori est proche du biologiste : l’éducation implique l’étude de la vie. Ce chemin consiste à créer autour du sujet que l’on veut étudier, les conditions optimales favorables à la manifestation des caractères réels du comportement naturel. Il nous faut étudier le fonctionnement spécifique de l’intelligence de l’enfant et ensuite les étapes de croissance, base évidente du travail sur l’enfant.
Il est facile de saisir qu’un être vivant, mis dans une ambiance qui lui est favorable, donnera des signes caractéristiques d’une vitalité qui échapperait ou qui serait complètement caché dans un milieu qui ne lui permettrait pas de se révéler, ou qui même, serait créateur par phénomène de self défense, de caractères parfois opposés ; caractères qu’il faudrait interpréter à leur juste valeur. N’est-ce pas le cas, par exemple, des manifestations de tendances de la jeunesse actuelle qui ne sont que des réactions, peut être anarchiques, dues à des conditions non conformes aux lois de la croissance de l’être ?

Pas de « remède » éducatif spécifique

Pierre Lecomte du Nouy (contemporain de Maria Montessori, mathématicien, biophysicien, philosophe et écrivain), exprime son désespoir en ce qui concerne les phénomènes de la psychologie humaine. Jamais, dit-il, en en effet, on ne pourra mettre sous le scalpel un fait psychologique. Mais Teilhard de Chardin (contemporain de Maria Montessori, scientifique, paléontologue, auteur) apporte sa pierre à l’édifice quand il formule le principe suivant : « C’est une œuvre reconnue en sciences, que la ‘réalité’ d’un objet, -même directement insaisissable, une masse atomique par exemple), que de pouvoir être décelé, toujours le même, par une série de méthodes différentes. Cette pleine convenance de quelque-chose d’identique à un groupe varié d’expériences, circonscrit aussi sûrement un ‘noyau’ naturel’, que le toucher ou la vie ».
Il est courant de reprocher à Maria Montessori le manque de spécificité des remèdes qu’elle propose au plan éducatif, les méthodes ayant en général leur petite bouteille de médicament pour chaque cas en particulier. Il existe des détracteurs forcenés de la pensée de Maria Montessori qui ignorent les fondements même de cette pensée.
La pensée de Maria Montessori nous a révélé des valeurs universelles qui trouvent leur justification dans le terme d’universelle convenance, cité ci-dessus par Teilhard de Chardin. Mais attention, ‘universelle convenance’ ne veut pas dire attitude unique envers tous les enfants, sans tenir compte de leur âge, par exemple.
Si l’on se plait à souligner que l’attitude universelle convenable, qui se dégage de la pensée Montessorienne est le respect de l’enfant ce respect doit être très nuancé, c’est-à-dire revêtir de formes diverses suivant l’âge de l’enfant intéressé. Il s’agira toujours de respect, mais de respect des besoins psychologiques réels, et non d’un respect qui confine au laxisme

Le fonctionnement spécifique de l’intelligence de l’enfant

Le travail de l’enfant est unique, inconscient ; c’est pour cela que l’adulte ne peut avoir aucun souvenir de ce travail, et qu’il ne peut, par conséquent, pas l’identifier. Dès sa conception, l’enfant possède en lui toute la puissance qui lui fera réaliser l’homme qu’il doit être. …/…
Nous savons qu’au plan biologique rien ne lui sera ajouté à partir du moment où conçu, il va se développer. Ce qu’il contient est à la fois physique et psychique, à la fois physique et spirituel…/…
Si les étapes physiques sont remarquables, combien plus remarquables sont les étapes psychologiques. Lorsque l’on cherche à cerner la vie, lorsque l’on se pose la seule question importante : qu’est-ce que la vie ? On est immanquablement amené à se rendre compte qu’il faut aller vers des critères essentiellement spirituels pour la cerner.
La vie n’est certainement pas seulement respiration et reproduction cellulaire…/… La vie est conscience. Et même… Cette fleur de la conscience que l’on appelle le psychisme. 

Comment expliquer la mise en œuvre du psychisme ?

Comment nous représenter cette création ? Certainement pas ‘ex nihilo’. Nous pouvons observer que la croissance de l’enfant suit un plan préétabli. Les phénomènes ne se succèdent pas au hasard, mais au contraire avec une rigueur absolue ; et l’esprit de l’homme est tellement convaincu par l’expérience de la valeur de ces étapes de croissance que, si par hasard l’un de celles-ci vient à manquer, il en conclue à une maladie. 

Prenons un exemple : celui de la création du langage. Ce que nous savons c’est que quelle que soit la nature du langage maternel, il sera acquis à deux ans. Simple ou complexe, l’enfant de deux ans parlera son langage maternel. Il y a déjà là quelque-chose qui échappe à un raisonnement purement humain.
Petit à petit se concentrant, se différenciant, se transmutant, cette énergie psychique initiale devient langage et langage parfait : le langage maternel. N’allons pas croire qu’il s’agit de quelque-chose d’analogue à une transformation chimique pure. En effet au sein de cette matière psychique existe une sensibilité correspondant curieusement à la sensibilité de sa mère au même moment et c’est cette sensibilité qui est le facteur central et essentiel de cette ‘nébuleuse’ psychique. Ne pensons pas, non plus, à une forme d’égoïsme à deux : la mère et l’enfant. Mais sachons reconnaître que si toute cette nébuleuse psychique était coupée de la vie, il y aurait peut-être un admirable développement, mais non intégré à la vie. Un peu quelque chose comme un développement in vitro. C’est parce que, par des liens mystérieux, cet admirable échange de sensibilité réciproque est relié à la vie que se produit ce phénomène ineffable de création de quelque-chose de parfait, que nous ne devons pas confondre avec son développement ultérieur. Coupé de la vie, il n’a plus de sens ; privé de la réciprocité d’affection, il se bloque, il ne se développe pas. Il reste inerte jusqu’à entrainer la mort. 

Nous pensons alors qu’il est logique d’extrapoler un tel processus de création aux différentes phases successives par lesquelles devra passer l’homme pour atteindre sa stature définitive :
1 -D’abord exister
2 – Création de l’Homme moral
3 – Création de l’Homme social
4 – Création de l’Homme politique.

C’est cette totalisation d’hommes qui crée l’Homme.

Décès de Jeannette Toulemonde

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Chers amis,

Le 30 avril 2019 à l’âge de 92 ans, Jeannette Toulemonde est décédée, chez elle, à Hem dans le Nord. Grâce à elle et à Jacques son époux, nous sommes plusieurs générations en France à avoir découvert, la force de l’œuvre de Maria Montessori pour une éducation à la paix et à la liberté dès la naissance.

N’écrivait-elle pas ceci : « Un petit enfant qui vient au monde et qui a des parents de paix sera à son tour parent de paix » (Fonds documentaire CNMN EV 2003) ?

Nous avons bénéficié de ses initiatives audacieuses à travers notamment sa création du Centre Nascita du Nord et du magazine L’enfant et la vie et son livre: Le quotidien avec mon enfant – Adapter l’environnement du petit enfant selon la pédagogie Montessori (éditions L’instant présent).

Jeannette Toulemonde avait faite sienne et mise en œuvre cette certitude de Maria Montessori : « L’art de l’éducation doit être au service de ces forces innées présentes en chaque enfant » (in Maria Montessori, L’enfant est l’avenir de l’homme).

Retrouvez ou rencontrez les écrits de cette personnalité du mouvement Montessori, au ton libre sur mon blog ‘Parent-Chercheur’, à la rubrique : Ceux qui ont fait l’histoire de l’éducation Montessori.

Odile Anot, présidente du Centre Nascita Montessori du Nord 

L’autonomie dans l’éducation Montessori

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Le premier élan de l’enfant dès la naissance, et durant ses années de formation, s’énonce en un mot sans équivoque : AU-TO-NO-MIE.

Et pour ce faire, il réclame avec force, et toujours plus consciemment, des activités où il s’affranchit de l’adulte. Cet aboutissement passe nécessairement par l’exercice de sa volonté, à travers des explorations et des apprentissages dont il a l’initiative ; il y gagne en capacité de concentration, en précision et en complexité ; c’est ainsi qu’émerge en lui l’auto-discipline, corps, cœur et esprit.

Celle-ci s’acquiert d’autant mieux que l’enfant ressent l’autorité exercée envers lui par son environnement comme étant bonne et accessible.

Progressivement il fait face aux réalités de la vie, il consent aux lois du ‘vivre ensemble’, il honore son destin au sein de l’univers auquel il est ouvert. Il est devenu un être libre en toute dignité.

Le dernier mot et la notion d’autonomie chez Montessori

Célia, 6 ans, veut avoir le dernier mot. Ceci à de nombreuses occasions, pour ne pas dire toutes.

Elle refuse les ordres et demandes ou surenchérit jusqu’à obtenir gain de cause les laissant tous épuisés.

Serait-ce sa manière d’exprimer tant bien que mal cette tendance humaine puissante qui l’anime, qui consiste à conquérir son autonomie par elle-même ?

Ce comportement excède Marie-Adèle et Christian ses parents.

Participant tous deux à l’Atelier Parent-Chercheur, sur le thème « Observer en vue d’aider », ils décident de porter une attention particulière à ce moment délicat des devoirs chaque week-end, qui commencent sous tension pour finir en discorde bruyante. 

Je les y encourage.

Lors de la rencontre suivante nous faisons le point sur la période passée et j’aime entendre, cette belle observation-hypothèse-remédiation de leur part.

Marie-Adèle et Christian ont mis en œuvre leur décision et voilà ce qui s’est passé chez eux.

Plutôt que de mener la barque car « avec quatre enfants faut que ça tourne » (Celia ayant trois frères et sœurs aînés), et non sans quelques résistances bien légitimes – parce qu’ils veulent honorer la loi de cette école où les devoirs sont incontournables – ils ont néanmoins pris le risque de proposer à Celia de choisir l’heure des devoirs.

Ils ont donné un cadre acceptable pour respecter l’organisation de la vie de l’ensemble de la famille. Durant le week-end, Marie-Adèle a bataillé avec elle-même afin de ne pas se laisser emporter par la peur que le travail ne soit pas fait.

Christian, quant à lui, s’est rappelé qu’il n’irait pas rappeler le deal à leur fille et qu’il la seconderait lorsqu’elle leur signalerait qu’elle se mettait au travail. Ce qu’elle n’a pas manqué de faire avec netteté dès lors qu’elle avait décidé : à 18 heures le dimanche.

Son papa l’a laissée commencer par la matière de son choix :  la poésie ; il s’est interdit de tracer lui-même les lignes à la craie comme il le faisait d’habitude (et si droit) pour l’entraînement à l’écriture ; il a dû lâcher prise quand, alors qu’elle avait presque fini, elle a soudain eu besoin de faire une pause !

Enfin celle-ci s’est installée à la table de la salle à manger et c’est là qu’elle a réalisé avec appétit son dernier travail, deux additions. Satisfaite, elle s’est rendue au repas qui fut paisible.

Plutôt que de faire la leçon à leur fille, ces parents chercheurs ont reçu d’elle une leçon de vie que l’on pourrait expliciter ainsi : Être à l’initiative vis-à-vis de ses propres affaires amène plaisir et créativité en soi et détente pour les autres.

Ce soir-là, cette petite fille a exercé librement un contrôle sur son environnement (les parents, le rapport au temps et à l’espace), qui n’avait rien d’un emportement, mais tout d’une affirmation constructive.

Elle a également été maitresse d’elle-même et le dernier mot c’est à elle-même qu’elle a su l’adresser en allant au bout d’un travail auquel elle a consenti, obéissant avec intelligence à la loi des autres de son plein gré.

Je ne doute pas que les aînés entre 10 et 17 ans bénéficieront aussi de cette expérience courageuse et inoubliable de la part des parents.

La famille dans l’éducation Montessori

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Quel parent n’est pas tombé sur un produit estampillé Montessori. Pour en faire quoi ?

Selon Renilde Montessori, petite fille de Maria, il n’est pas souhaitable de « faire du Montessori » chez soi si l’on pense qu’il s’agit de recréer l’ambiance spécifique (préparée par les professionnels). Il est très souhaitable de faire du Montessori chez soi en agissant selon les principes de l’éducation comme une aide à la vie qu’est la pédagogie Montessori.

Le parent a pour grande mission de seconder au plus près cet élan vital qui anime l’enfant, là où réside tout ce potentiel humain fragile et puissant à la fois.

N’est-il pas très bien placé, lui qui accompagne cet enfant, ce jeune jour et nuit durant cette longue période de formation ?

Il a le pouvoir de l’ouvrir à l’univers pour qu’il en ait les clés d’usage, favoriser une expérience de paix dans les relations tissées entre eux, d’intervenir bien-sûr chaque fois qu’il se perd, témoigner par sa propre vie de l’essentiel par rapport au futile !

Vivre la proposition Montessori à la maison est gratuit et pour tous ! C’est une manière d’être présent à soi et à l’enfant.

Cette piste très sérieuse peut donner un avenir heureux à l’humanité et la joie d’être ce parent là avec cet enfant-là dans le monde d’aujourd’hui.

L’importance de la famille et des parents dans l’éducation Montessori

J’accompagne Priscilla, depuis huit mois et elle me questionne en direct lors de nos rendez-vous par Skype ou en direct ou par courriel :

  • Quel lit bas ?
  • Quelle largeur ?
  • Quelle forme ?
  • Faut-il de la couleur, des motifs ?
  • Nina (deux ans et demi) ne va-t-elle pas se cogner aux meubles la nuit ?
  • Trouvera-t-elle une « vraie » ambiance Montessori dans l’école où je l’ai inscrite dès la naissance ?
  • Souffre-t-elle de nos trois déménagements alors que je sais maintenant qu’elle a besoin d’ordre pour se construire ?
  • J’ai hurlé sur Nina, je reviens très souvent sur ce moment, pas elle, je me sens coupable, saura-t-elle me pardonner ?
  • Etc.

C’est qu’il y en a des questions et des doutes quand on est jeune parent. Je peux la comprendre, j’ai aimé moi aussi être éclairée dans cette période intense de la vie.

Garder son bon sens, faire le choix de la simplicité, dormir suffisamment, structurer l’espace et le temps, oser le silence plutôt que de forcer l’expression du ressenti, bien s’entourer, penser par soi-même, etc.

Voilà des attitudes que cette maman solo découvre peu à peu.

La preuve en est quand après moult retournements que j’accompagne, voilà qu’elle annule finalement l’inscription de sa fille à l’école dite Montessori tant projetée, à quelques jours de la rentrée à temps partiel.

Elle opte pour que celle-ci reste encore un peu en crèche où elle est finalement plutôt bien, pourquoi l’en défaire ? Elle envisage une rentrée à trois ans, dans une école à proximité de son nouveau lieu de vie, une école que je sens bien me dit-elle après une rencontre auprès de deux établissements.

À cette occasion j’ai la preuve que Priscilla compose avec la réalité ; de plus elle révèle qu’elle n’a plus le budget, qu’elle n’a pas de permis et qu’elle vit désormais à quarante-cinq minutes à pied de ce lieu rêvé sans transport en commun sérieux. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Priscilla a su mettre au second plan son idéal et le diktat qui voudrait dans certains milieux, qu’il n’y ait que Montessori pour recours ; la voilà capable d’assumer les conséquences de ce choix. La détente que procure cette décision permet aussitôt à Nina de goûter sans attendre à une certaine paix à la maison, n’est-ce pas là une manière d’approcher la proposition Montessori entre autres, et sans attendre.

En se rendant au réel, cette maman courageuse et chercheuse n’a pas pour autant lâché ses aspirations et ses intuitions.

Elle est en chemin et Nina n’en veut pas d’autre.

Parution du livre « Montessori au coeur de la vie de famille », d’Odile Anot

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Odile Anot approfondit à travers cet ouvrage, un axe qui fait le fil rouge de son engagement professionnel depuis vingt-cinq ans : Vivre Montessori hors des murs de la classe.

En 230 pages grand format, elle fait la synthèse de ses années de terrain auprès des parents, des enfants et des jeunes. Elle croise ce patrimoine avec ses nombreuses recherches, lectures et rencontres au sein du mouvement Montessori.

Dans la première partie, Odile Anot présente les conditions du développement de l’enfant tout au long des 24 années dédiées à sa formation pour devenir un homme ; ensuite elle rend public l’outil Parent-Chercheur® en cinq attitudes illuminées par l’apport scientifique et visionnaire de Maria Montessori pour une éducation à la paix et à la liberté; enfin elle invite à une rencontre sensible et documentée avec la vie de Maria Montessori.

Le contenu est illustré par de nombreux exemples classés par rubriques : ‘Enfant explorateur’, ‘Parents Chercheurs’, ‘Au cœur du mouvement Montessori’, ainsi que des citations issues de l’ensemble de l’œuvre en français de Maria Montessori.

Quelques tableaux explicatifs, un cahier couleur, mille notes et références triées sur le volet, viennent enrichir la lecture de ce livre qui entraîne toute la famille dans le sens de la vie.

À commander partout, chez vos libraires, chez Dunod, l’éditeur ou sur vos sites préférés.