Le premier élan de l’enfant dès la naissance, et durant ses années de formation, s’énonce en un mot sans équivoque : AU-TO-NO-MIE.
Et pour ce faire, il réclame avec force, et toujours plus consciemment, des activités où il s’affranchit de l’adulte. Cet aboutissement passe nécessairement par l’exercice de sa volonté, à travers des explorations et des apprentissages dont il a l’initiative ; il y gagne en capacité de concentration, en précision et en complexité ; c’est ainsi qu’émerge en lui l’auto-discipline, corps, cœur et esprit.
Celle-ci s’acquiert d’autant mieux que l’enfant ressent l’autorité exercée envers lui par son environnement comme étant bonne et accessible.
Progressivement il fait face aux réalités de la vie, il consent aux lois du ‘vivre ensemble’, il honore son destin au sein de l’univers auquel il est ouvert. Il est devenu un être libre en toute dignité.
Le dernier mot et la notion d’autonomie chez Montessori
Célia, 6 ans, veut avoir le dernier mot. Ceci à de nombreuses occasions, pour ne pas dire toutes.
Elle refuse les ordres et demandes ou surenchérit jusqu’à obtenir gain de cause les laissant tous épuisés.
Serait-ce sa manière d’exprimer tant bien que mal cette tendance humaine puissante qui l’anime, qui consiste à conquérir son autonomie par elle-même ?
Ce comportement excède Marie-Adèle et Christian ses parents.
Participant tous deux à l’Atelier Parent-Chercheur, sur le thème « Observer en vue d’aider », ils décident de porter une attention particulière à ce moment délicat des devoirs chaque week-end, qui commencent sous tension pour finir en discorde bruyante.
Je les y encourage.
Lors de la rencontre suivante nous faisons le point sur la période passée et j’aime entendre, cette belle observation-hypothèse-remédiation de leur part.
Marie-Adèle et Christian ont mis en œuvre leur décision et voilà ce qui s’est passé chez eux.
Plutôt que de mener la barque car « avec quatre enfants faut que ça tourne » (Celia ayant trois frères et sœurs aînés), et non sans quelques résistances bien légitimes – parce qu’ils veulent honorer la loi de cette école où les devoirs sont incontournables – ils ont néanmoins pris le risque de proposer à Celia de choisir l’heure des devoirs.
Ils ont donné un cadre acceptable pour respecter l’organisation de la vie de l’ensemble de la famille. Durant le week-end, Marie-Adèle a bataillé avec elle-même afin de ne pas se laisser emporter par la peur que le travail ne soit pas fait.
Christian, quant à lui, s’est rappelé qu’il n’irait pas rappeler le deal à leur fille et qu’il la seconderait lorsqu’elle leur signalerait qu’elle se mettait au travail. Ce qu’elle n’a pas manqué de faire avec netteté dès lors qu’elle avait décidé : à 18 heures le dimanche.
Son papa l’a laissée commencer par la matière de son choix : la poésie ; il s’est interdit de tracer lui-même les lignes à la craie comme il le faisait d’habitude (et si droit) pour l’entraînement à l’écriture ; il a dû lâcher prise quand, alors qu’elle avait presque fini, elle a soudain eu besoin de faire une pause !
Enfin celle-ci s’est installée à la table de la salle à manger et c’est là qu’elle a réalisé avec appétit son dernier travail, deux additions. Satisfaite, elle s’est rendue au repas qui fut paisible.
Plutôt que de faire la leçon à leur fille, ces parents chercheurs ont reçu d’elle une leçon de vie que l’on pourrait expliciter ainsi : Être à l’initiative vis-à-vis de ses propres affaires amène plaisir et créativité en soi et détente pour les autres.
Ce soir-là, cette petite fille a exercé librement un contrôle sur son environnement (les parents, le rapport au temps et à l’espace), qui n’avait rien d’un emportement, mais tout d’une affirmation constructive.
Elle a également été maitresse d’elle-même et le dernier mot c’est à elle-même qu’elle a su l’adresser en allant au bout d’un travail auquel elle a consenti, obéissant avec intelligence à la loi des autres de son plein gré.
Je ne doute pas que les aînés entre 10 et 17 ans bénéficieront aussi de cette expérience courageuse et inoubliable de la part des parents.